vous aimons ici beaucoup, mais nous nous plaignons un peu : nous ne vous voyons plus, c’est mal à vous.
Venez donc un de ces soirs (jeudi excepté) dîner place Royale.
Que vous dire, mademoiselle, et comment vous consoler, moi qui aurais besoin de consolation moi-même ? Vous savez combien j’aimais votre père. Il me semble que c’est le mien que je perds pour la seconde fois.
J’étais à la campagne ce matin quand cette douloureuse nouvelle nous est parvenue. Je suis accouru à Paris comme si tout n’était pas fini, hélas ! Je viens de voir Armand, ce bon Armand. Nous avons parlé de votre père, de vous, mademoiselle Louise, de notre cher Édouard, de vous tous, et cela m’a un peu soulagé. J’avais besoin de cet épanchement. Je croyais votre père guéri, cela faisait partie de mon bonheur cette année. Jugez du coup que nous avons reçu. De pareils hommes ne devraient pas mourir. Lui si doux, si noble, si excellent, si supérieur en tout, en bonté comme en esprit, lui meilleur que nous tous, lui plus fort que nous tous, lui plus jeune que nous tous, si respecté, si heureux, si aimé, si nécessaire, hélas ! Pourquoi est-il mort ? Si sa présence nous manque, que sa pensée du moins ne nous manque pas. Je vous écris plein du souvenir de ces belles et douces années des Roches qui rayonnent maintenant pour moi plus que jamais. Vous, mademoiselle, qui êtes un si grand cœur, pourquoi êtes-vous si cruellement affligée ? Hélas ! Quelque jour j’essaierai de vous dire à vous ce que je pensais, ce que je pense de votre cher et vénérable père. Aujourd’hui je ne puis que baiser vos mains et pleurer.
Soyez assez bon, monsieur, pour dire à vos co-intéressés que je pousse la loyauté jusqu’à m’imposer en ce moment un travail qui m’occupe presque nuit et jour, travail gratuit, stérile pour mes intérêts, pour lequel j’ai fait venir à mes frais des documents d’Allemagne curieux et coûteux[4]. Le