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n’aime pas le vacarme parisien ces jours-là. Et puis je croyais fuir une fête et il s’est trouvé que j’avais fui une catastrophe[1].

En somme, j’ai été charmé de ce petit voyage que j’ai fait. J’aime mieux le spectacle de la mer que le spectacle des Chambres, et je trouve la vague de l’océan plus belle que la vague des événements. Me voici maintenant à Paris, ou tout près d’y être. Venez me voir quand vous aurez loisir. En attendant pensez à moi comme à un ami.

V.[2]


À Mademoiselle Louise Bertin.


Vous avez écrit à ma femme, mademoiselle, une bien charmante lettre et dont j’ai pris ma part. Vous êtes cent fois bonne d’avoir pris ces vers avec quelque plaisir. C’est tout ce que j’en voulais. Il y a en vous tant de vraie et de grande poésie que toute celle qui sort de nous doit toujours vous sembler peu de chose.

Me voici maintenant achevant ce volume[3] dont une partie aura poussé parmi les fleurs des Roches et le reste dans les fentes des pavés de Paris. De là dans ce volume deux couleurs, l’une poétique qui vient de chez vous, l’autre politique qui vient de dessous les pas de tout le monde.

Soyez indulgente et bonne pour le tout.

Nous parlons bien souvent de vous ici, dans nos soirées déjà longues, de vous, d’Édouard, de vos excellents et vénérés parents. Et sitôt qu’on dit Louise, on est sûr de voir se tourner quatre petites têtes.

Ces chères petites têtes vous aiment bien, et si ce n’était pas une partie de leur bonheur, vraiment j’en serais jaloux, moi qui suis jaloux.

À bientôt, mademoiselle, parlez un peu de nous sous les dernières feuilles de vos beaux arbres. Nous avons pour vous une amitié qui ne s’effeuille pas.

J’y joins un dévouement sincère et profond.

Votre respectueux ami,
Victor H.
19 8bre. Paris.
  1. L’attentat de Fieschi contre Louis-Philippe.
  2. Archives de la famille de Victor Hugo.
  3. Les Chants du Crépuscule, dont Victor Hugo avait envoyé un choix de pièces à M. Bertin pour l’insertion dans le Journal des Débats. Mlle  Bertin avait écrit à ce propos à Mme  Victor Hugo les incertitudes de sa famille, quant aux poésies à publier : « Papa a été si ébloui, si enchanté de tout ce qu’il a lu, qu’il ne savait à quoi se résoudre. » Les Chants du Crépuscule parurent le 27 octobre 1835.