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poure son petit chat si on lui donnait toujours elle s’amuserai bien. Mais malheureusement on ne veut pas lui lesser toujours. Papa m’a dit que je te dise bien des choses de sa part maman aussi.

Adieu mon cher Saint de Beuve.

Léopoldine Hugo.
Ce 31 décembre 1832.

Voici du style de Didine, mon ami, il faut qu’ici j’en mette aussi un peu du mien, et que je vous remercie et que je vous embrasse du fond du cœur.

Victor[1].


À Monsieur Mérimée[2],
secrétaire de M. le comte d’Argout.


Décembre 1832.
Monsieur,

Il résulte de ce que vous m’avez fait l’honneur de m’écrire[3] que vous êtes resté complètement étranger aux influences qui ont déterminé le gouvernement à arrêter illégalement ma pièce. En pareille matière, l’affirmation d’un homme d’honneur suffit à un homme d’honneur. Je m’empresse donc de déclarer que tout ce qui pourrait vous concerner personnellement dans le fait que j’ai plutôt indiqué que raconté[4], sans nommer qui que ce soit, relativement à la suspension de ma pièce, tombe de lui-même devant votre réclamation. Ma loyauté m’impose en effet le devoir de ne laisser aucun nuage sur la vôtre. Mon affaire est une affaire générale, dont rien ne doit me détourner, et non une affaire personnelle, et il m’importe de n’avoir jusqu’à la fin aucun tort de mon côté.

J’espère que ma conduite en cette occasion vous prouvera que rien n’altère en moi l’estime réciproque dont vous me parlez.

Vous pouvez publier cette lettre, si vous le jugez convenable. Je suis, monsieur, votre très humble serviteur,

V. H.[5]
  1. Archives Spoelberch de Lovenjoul.
  2. Mérimée se destinait d’abord au droit ; sa première œuvre : Théâtre de Clara Gazul parut sans nom d’auteur en 1825 ; on a de lui de nombreux romans et nouvelles ; les plus célèbres sont Carmen et Colomba. Il fit une belle carrière dans l’administration ; il fut chef de cabinet de divers ministères, inspecteur des monuments historiques. Élu à l’Académie en 1844, sous l’empire il fut un des familiers de la cour.
  3. Cette lettre n’a pas été retrouvée.
  4. Discours prononcé au Tribunal de Commerce, séance du 19 décembre 1832.
  5. Brouillon. Archives de la famille de Victor Hugo. — Il ne faudrait pas, d’après cette lettre, évidemment officielle, juger des rapports entre Victor Hugo et Mérimée. Les quelques lettres que nous avons eues sous les yeux dénotent, de part et d’autre, une vive cordialité ; Mérimée s’intéressait aux succès du poète qui, de son côté, lui recommandait volontiers des artistes dans le besoin, qu’une commande de l’État tirerait d’embarras. Plus tard, sous l’empire, le proscrit cessa naturellement toutes relations avec l’ami de Mme de Montijo et le protégé de l’impératrice. Mérimée, comblé d’honneurs, mourut le 23 septembre 1870, quelques jours après le retour de Victor Hugo en France.