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de Lorme. Je m’empresse de vous envoyer les explications que vous lui avez semblé désirer. Je n’ai qu’un souhait, madame, c’est de vous voir dans Marion de Lorme. Vous avez donné une si admirable couleur au rôle de doña Sol qu’il m’est impossible de ne pas songer souvent au parti que vous tireriez de Marion. Vous avez ensuite été si excellente pour moi qu’il m’est doux de penser que je pourrais vous témoigner quelque chose de ma reconnaissance en mettant à vos pieds ce rôle que vous avez la bonté de désirer. Je vous le réserve donc, et vous pouvez savoir que j’ai refusé tout ce qui m’a été proposé d’autre part.

J’ai donc toujours l’espérance de vous voir jouer Marion. Cependant, vous le savez, madame, les obstacles qui m’ont arrêté, ceux du moins qui sont relatifs à la composition actuelle de l’administration du théâtre et à sa situation, subsistent. On me fait espérer qu’ils disparaîtront bientôt, c’est-à-dire que la société sera dissoute et le théâtre mis en entreprise. Alors, madame, j’accourrai à vous, si vous voulez toujours de moi.

Je compte vous aller voir bientôt. Ma première sortie sera pour vous. J’achève en ce moment un travail très pressé. Permettez-moi, en attendant, de vous baiser la main et de mettre mes hommages et mon admiration à vos pieds.

Victor Hugo[1].


À Victor Pavie[2].


25 février 1831.

Vous avez raison, mon ami, mille fois raison. Je n’ai jamais songé à diriger un théâtre, mais à en avoir un. Je ne veux pas être directeur d’une troupe, mais propriétaire d’une exploitation, maître d’un atelier où l’art se cisèlerait en grand, ayant tout sous moi et loin de moi, directeur et acteurs. Je veux pouvoir pétrir et repétrir l’argile à mon gré, fondre et refondre la cire, et pour cela il faut que la cire et l’argile soient à moi. Du reste,

  1. L’original de cette lettre a été vendu le 21 juin 1892 à l’Hôtel Drouot. Nous n’avons donc pu collationner cette copie. Anatole France a publié cette lettre dans l’Univers illustré du 25 juin 1892.
  2. La révolution de 1830 eut une répercussion prolongée sur la situation financière des théâtres ; au début de janvier 1851, la fermeture de la Comédie-Française avait été envisagée ; le bruit courut alors que Victor Hugo et Alexandre Dumas en prendraient la direction. Victor Pavie lui adressa une lettre éplorée : « Un directeur, le confrère d’un Crosnier, d’un Harel, vous ! la femme d’un directeur, une femme comme la vôtre ! Cela est triste à faire pleurer ! Vous voilà mêlé aux cent mille intrigues des coulisses, résiliant des baux, payant des dédits, trafiquant d’acteurs et d’actrices, vous ! » (23 février 1831.)