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Hugo que des preuves de fidélité, de loyauté et de dévouement. Je désire, Monseigneur, que Votre Excellence veuille bien mettre cette lettre sous les yeux du roi, avec l’hommage de ma vive gratitude et de mon profond respect.

J’ai l’honneur d’être, Monseigneur, de Votre Excellence, le très humble et très obéissant serviteur,

Victor Hugo.


À Monsieur Sainte-Beuve,
poste restante, Reims.
2 novembre 1829, Paris[1].

Votre bonne et bien bonne lettre du 25 est venue, cher ami, nous faire un grand plaisir et une grande peine. Ni vous, ni Boulanger, n’avez donc reçu les lettres que ma femme vous avait adressées poste restante à Strasbourg ? Il y a une fatalité en tout ceci. À peine étiez-vous partis tous deux que cette maudite inflammation que vous me connaissez dans les intestins se met en marche, remonte dans la tête et se jette sur mes yeux. Me voilà alors aveugle ; enfermé des jours entiers dans mon cabinet, store baissé, volet fermé, porte close, ne pouvant travailler, ni lire, ni écrire, et ne vous ayant ni l’un ni l’autre, lumen ademptum. Là-dessus votre première lettre (de Dijon) nous arrive, puis celle de Boulanger, cinq minutes après. Vous jugez de la joie ! ma femme me les lit toutes deux, me les relit. Vous ne disiez ni l’un ni l’autre où l’on pouvait vous écrire. Nous attendons les secondes. Elles nous arrivent (de Besançon), j’étais encore aveugle. Vous nous indiquiez Strasbourg pour vous répondre. Ma femme s’en charge, presque joyeuse de mes mauvais yeux qui lui donnaient le droit de vous écrire. Les deux lettres de quatre pages, deux lettres faites à nous deux ma femme, à demi dictées par moi, à demi arrangées par elle, les deux lettres pleines de notre cœur et de notre tristesse, et vous rappelant à grands cris, partent. À Strasbourg, poste restante ; cela était bien lisiblement écrit sur l’adresse, et vous ne les recevez pas ! et cependant ni Latouche ni Janin[2] ne sont courriers de la poste ! Qu’avez-vous dû penser, cher ami ? Après des lettres comme les vôtres, quel effet a dû vous faire ce silence ! Vous m’aurez excusé sur ma paresse, sur mes affaires, que sais-je ? — Est-ce que, pour

  1. Note de Sainte-Beuve : « Pendant mon voyage aux bords du Rhin, le temps où je faisais les Consolations. »
  2. Jules Janin fut franchement hostile à Victor Hugo de 1826 à 1843 ; à partir de l’exil du poète, il devint, par un revirement subit, l’un de ses plus ardents défenseurs et son ami fervent et fidèle. Latouche venait de publier dans la Revue de Paris, en octobre 1829, son malveillant article : La camaraderie littéraire. Victor Hugo et Sainte-Beuve y étaient principalement visés.