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quelques feuilletonnistes stupides, au premier rang desquels je mets sans balancer le Globe, ne croyez pas que Delacroix ait failli. Son Sardanapale[1] est une chose magnifique, et si gigantesque qu’elle échappe aux petites vues. Du reste, ce bel ouvrage, comme beaucoup d’autres ouvrages grands et forts, n’a point eu de succès près des bourgeois de Paris : sifflets des sots sont fanfares de gloire. Je ne regrette qu’une chose, c’est qu’il n’ait pas mis le feu à ce bûcher : cette belle scène serait bien plus belle encore si elle avait pour base une corbeille de flammes. Quant à la Sainte Thérèse de M. Gérard[2], c’est mieux que son Canning, sans doute, mais souvenez-vous que M. de Ch.[ateaubriand] se connaît peu en peinture : ses éloges sont tout simplement un remerciement[3]. Vous me dites de vous parler de moi. Hélas ! pour le moment, ce serait vous parler d’avoués, de commissaires-priseurs, de scellés, d’inventaires, etc. Qu’il est triste de penser que les chagrins deviennent si vite des affaires[4] ! Je corrige les épreuves d’une 4e édition des Odes et Ballades. Adieu, mais venez vite avec votre bon père.


Vale et me ama.
V. H.


À Monsieur Véron,
Directeur de la Revue de Paris[5].


[18 mai 1829.]

Je m’empresse, monsieur, de répondre aux bienveillantes sollicitations que vous m’adressiez hier.

Je n’ai jamais vendu de manuscrit, si mince qu’il fût, moins de 500 francs.

Mais j’en ai quelquefois donné, et je puis le faire encore.

Si vous tenez toujours à ce fragment que vous me faisiez l’honneur de

  1. La mort de Sardanapale fut exposée au salon de 1829.
  2. Gérard, peintre d’histoire, débuta en 1795 par un succès (Bélisaire), qui se renouvela à chaque exposition ; il fut considéré comme un des maîtres de l’école classique.
  3. Gérard avait offert à Chateaubriand la Sainte-Thérèse qu’il venait d’exposer. Ce tableau était destiné au maître-autel de l’infirmerie Marie-Thérèse fondée par Mme de Chateaubriand.
  4. Il s’agit de la succession du général Hugo.
  5. Inédite.