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À monsieur Sainte-Beuve (très pressé).
Ce mercredi soir [1827].

Voici, cher ami, une lettre que je reçois de l’Album. Si vous êtes toujours dans la même intention relativement au Globe, vous pouvez envoyer directement à M. Folleville, dont l’adresse est sur la lettre. Ils sont et seront ravis. Mille fois merci.

Il vuestro hermano,

Victor[1].


À Victor Pavie.
20 mai 1827.

Vous êtes bien heureusement né, monsieur. Vous avez un talent fait pour honorer votre famille et une famille faite pour comprendre votre talent. J’ai vu votre excellent père, et je ne saurais vous dire à quel point je l’ai aimé dès le premier jour. Il a quelque chose de si bon, de si cordial, de si bienveillant, que je ne pourrais souhaiter un autre protecteur aux premières années d’un talent précieux comme le vôtre. Bénissez Dieu tous les deux, il ne pouvait donner un meilleur fils à un meilleur père.

Votre père nous a quittés vite, trop vite, dites-le-lui bien. Mais aux regrets que nous a causés son départ il a voulu mêler une espérance, celle de vous voir bientôt. Votre aimable lettre la change en certitude, et la plus chère marque d’amitié que vous puissiez me donner, c’est de la réaliser bientôt. Vous ferez de belles choses partout, mais à Paris l’esprit a plus d’aliment : les musées, les galeries, les bibliothèques lui ouvrent de nouvelles sphères d’idées ; enfin, tout ce qui s’acquiert est ici, et vous avez déjà tout ce que la nature donne. Votre ami, M. Mazure, a été assez bon pour me venir voir deux fois, et m’a communiqué de fort beaux vers, auxquels il ne manque qu’un éditeur. Le moment est malheureusement peu propice pour qu’un éditeur s’éprenne d’un manuscrit dont l’auteur est inconnu ; mais j’espère être plus utile cet automne à M. Mazure ; je ne me plains que de le voir trop rarement ; il doit penser qu’un poëte qui est de vos amis ne peut jamais me déranger. J’ai été également enchanté de connaître M. David [d’Angers][2]. C’est un homme de beaucoup de talent et de

  1. Archives Spoelberch de Lovenjoul.
  2. Célèbre statuaire ; il devint l’ami de Victor Hugo et le resta jusqu’à sa mort. On lui doit, outre le médaillon du poète (1828), deux beaux bustes, dont l’un, celui de 1840, est à la Maison de Victor Hugo. Ardent républicain, David fut nommé, à la révolution de 1848, maire du XIe arrondissement, puis fut élu représentant de Maine-et-Loire à l’Assemblée législative. Emprisonné, puis exilé après le coup d’État, il revint en France et y mourut en 1856.