Page:Hugo - Œuvres complètes, Impr. nat., Correspondance, tome I.djvu/442

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tout à fait suspect dans ma bouche ; mais je ne croirai point m’aventurer en affirmant qu’elle n’a rien à céder à bon nombre de celles qui de temps immémorial sont reçues, montées, représentées et applaudies aux Français.

Seriez-vous donc maintenant assez bon pour nous indiquer quelle serait la marche la plus courte à suivre pour faire arriver notre tragédie au comité des Français. Le jeune poëte désirerait fort être dispensé, s’il est possible, de la formalité de l’examen préalable ; mais il faut d’abord que cette dispense ne viole en rien l’usage établi.

Si vos nombreuses et importantes occupations vous permettaient par aventure de prendre connaissance de la pièce avant qu’elle ne fût présentée, il est inutile de vous dire que vos conseils seraient reçus par Paul avec reconnaissance et avec bonheur.

Le sujet de l’ouvrage est Côme de Médicis.

Je dois ajouter, pour rendre à chacun ce qui lui est dû, qu’il n’y a pas dans la pièce une idée, un vers, un mot qui vienne de moi.

Adieu, mon cher et noble ami, mille pardons d’une importunité qui vous aurait donné l’ennui de ma visite, si la route était plus praticable de mon pôle arctique de la rue de Vaugirard à votre pôle antarctique de la rue de Bondy.

Tout à vous, partout et toujours.

. Hugo[1].


À Monsieur Louis Pavie[2].


Paris, 15 janvier 1827.

C’est moi, monsieur, moi qui vous dois mille remercîments.

Vous voulez bien inscrire mon nom sur la liste des lecteurs d’un feuilleton de province qui vaut mieux que beaucoup de feuilletons de Paris. Vous faites plus encore : vous m’envoyez de vos ouvrages, pleins de maturité, de raison et d’esprit, et des vers de monsieur votre fils, tout étincelants de jeunesse et de poésie. Ce sont là encore vos productions, monsieur, et je ne croirai point déplaire à votre légitime amour-propre de père et d’auteur en vous affirmant que, quelque remarquables que sont vos ouvrages, votre fils est encore le meilleur de tous. C’est du reste ce qu’on a dit d’Homère à propos de Virgile. Dites bien, monsieur, à votre jeune aiglon, à votre Victor, qu’il est un autre Victor qui lui envierait bien, si l’envie se mêlait à l’affection, son beau chant sur David, le Juif, la Mer et le Lac, composition ingénieuse et inspirée, et surtout sa ravissante élégie de l’Enfant. Dites-lui,

  1. Archives de la famille de Victor Hugo.
  2. Père de Victor Pavie.