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À Monsieur Foucher[1].


Paris, 25 Juillet 1825.
Mon cher père,

J’aurais déjà depuis longtemps répondu à la première de vos deux aimables lettres si notre bonne maman Foucher ne m’en eût détourné par l’assurance que vous ne seriez plus à Nantes quand ma réponse arriverait. J’étais à la fois chagrin de ne pas savoir où vous écrire, et de penser que vous quittiez si tôt cette ville natale où vous avez retrouvé, comme vous nous le dites si bien, dans votre nouvelle connaissance, l’oncle Trébuchet, quelque chose d’un vieil ami. C’est un homme spirituel, modeste et bon ; vous devez sympathiser. Ch. Nodier me disait l’autre jour en portant votre santé que vous étiez l’un des hommes les plus remarquables d’esprit et de caractère qu’il eût jamais vus ; tout le monde ajouta : et l’un des plus aimables. Sur quoi mon Adèle reprit : et l’un des plus aimés. Ce chorus d’amitié et de famille aurait bien dû rencontrer quelque sylphe complaisant qui vous l’eût apporté à Nantes.

Le nouveau commissaire royal Taylor[2] est bien sensible aux félicitations que vous réservez au Vte[3]. Il est reconnaissant de vos bons offices comme il doit l’être et m’a parlé hier soir de vous une bonne demi-heure. Je vous prie, cher papa, de croire que je ne me bornais pas au rôle d’écho.

M. de La Rochefoucauld est parti avec Beauchesne pour les Pyrénées. Nous allons, nous, partir le 1er août pour les Alpes. Pendant ce temps-là vous verrez la mer, puis nous nous retrouverons tous vers la mi-septembre à Paris, et nous nous raconterons tous les trois, lui, la hauteur du Pic du Midi, vous, la sublimité de l’Océan, et nous la grandeur du Mont Blanc.

Il m’a du reste avant de partir annoncé officiellement la porcelaine. Mais je n’ai pas eu de nouvelles depuis, non plus que de l’Imprimerie royale[4]. Je prévois que rien de tout cela ne se fera avant mon retour.

Nous avons vendu notre futur Album de Chamounix[5] à Urbain Canel[6]

  1. Inédite.
  2. Nommé commissaire royal près le Théâtre Français, le 9 juillet 1825.
  3. De la Rochefoucauld.
  4. L’imprimerie royale devait, par ordre du roi, imprimer l’Ode sur le Sacre de Charles X.
  5. Le traité fut signé par Victor Hugo, Nodier et Taylor ; Lamartine se récusa. L’Album ne parut pas, les éditeurs ayant fait de mauvaises affaires. Victor Hugo publia, en août 1829, dans la Revue de Paris, un fragment du récit de ce voyage. Un second fragment parut en 1831 dans la Revue des Deux Mondes ; en 1863, Mme  Victor Hugo introduisit ces deux fragments dans Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie. On les lira en tête du tome II des Voyages. Édition de l’Imprimerie Nationale.
  6. Urbain Canel, l’année suivante, édita Bug-Jargal.