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J’approche de Reims avec une joie inexprimable. J’y trouverai des lettres de mon Adèle bien-aimée. Quelle joie !

Adieu, mon ange adoré, je n’ai qu’une demi-heure pour t’écrire et déjeuner. Je voudrais bien ne pas déjeuner et passer tout ce temps à t’écrire, mais nos amis me pressent et m’attendent. Qu’il est triste, mon Adèle bien-aimée, de me séparer de toi, moi qui n’ai plus d’autre bonheur que celui de t’écrire. Je ne sais plus ce que trace ma plume. J’ai le cœur plein. Adieu. Tous nos amis boivent à ta santé, et Charles Nodier, notre excellent Charles, me charge de ses plus tendres hommages pour toi et de mille respects pour mon bon père. Embrasse-le bien, ainsi que sa femme, dont les soins maternels remplacent les miens.

Je te donne mille baisers. Adieu, bien-aimée ! Embrasse sur ses deux joues le petit pipi à papa.

Ton Victor[1].


À Madame Victor Hugo.


Reims, 27 mai, 7 heures du matin.

Par où commencerai-je, bien-aimée ? par la joie que m’ont faite tes lettres, ou par mon arrivée à Reims ? Tu es bien curieuse d’avoir des détails sur mon voyage, et moi bien impatient de te dire à quel point tes lettres me rendent heureux au milieu de ma tristesse. Chaque fois que j’ouvre une lettre de toi, mon Adèle adorée, c’est en tremblant d’espérance et de crainte à la fois. Hier, nous sommes descendus, à une heure après-midi, à notre logement de Reims, et sans même attendre qu’on rangeât mes malles, j’ai couru à la poste. Ta troisième lettre y était. J’ai vu avec un vif chagrin que tu n’avais pas reçu le 23 ma lettre du 21 ; j’avais pourtant donné un franc à un commissionnaire pour la porter à la grande poste qui se levait de meilleure heure à cause de la Pentecôte. Je te donne cette explication, chère amie, afin que tu ne croies pas qu’il m’est possible de rester un jour sans t’écrire. Ce malheur m’est arrivé hier et ç’a été ma torture de tout le jour. Je voulais t’écrire à Thomery en déjeunant, mais le temps nous a été donné à peine de manger un morceau, et puis je voulais attendre tes lettres que je comptais trouver à Reims. J’ai voulu t’écrire à toutes les heures depuis notre arrivée,

  1. Bibliothèque nationale.