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À Monsieur le baron d’Eckstein[1].


Ce dimanche, 28 novembre 1824.

Je suis toujours, monsieur le baron, à la piste des articles dont vous daignez parfois enrichir le Drapeau blanc, et je conçois parfaitement qu’ils suffisent pour maintenir ce journal dans un rang élevé dont il ne devrait jamais descendre. Il est vrai qu’il faudrait pour cela que tous les rédacteurs eussent votre haut mérite, et que c’est demander l’impossible. Rien de plus rare que les trois qualités qui vous distinguent si éminemment : le talent, le savoir et la conviction.

Les deux articles que vous m’envoyez[2] montrent avec quelle aisance ingénieuse votre esprit embrasse tous les sujets et se plie à tous les styles. Vos vues sur la poésie populaire sont hautes et profondes. Votre coup d’œil sur nos charlatans de sophisme et de littérature est rapide et perçant. Vous séparez en juge intègre les erreurs des jongleries, vous démêlez le bon grain de l’ivraie ; et c’est une des choses que j’aime en vous. Il y a dans vos pensées la profondeur des allemands et dans votre plaisanterie la grâce des français.

Je m’empresse de communiquer vos excellents articles à Lamartine qui en sera enchanté ; et j’attends avec une vive impatience la communication que vous voulez bien me promettre de votre prochain ouvrage.

Seriez-vous assez bon pour vous rappeler la demande que j’ai eu l’honneur de vous faire pour Mme  la marquise de Montferrier et sa fille qui est à Rome et dont vous avez admiré chez moi deux ouvrages ? Voudriez-vous me faire savoir si M. le ministre des Affaires étrangères autorise ces dames à se servir pour leur correspondance du pli de M. l’ambassadeur de Rome, qu’elles ont au reste l’honneur de connaître. J’attendrai sur ce point votre réponse pour la communiquer à Mme  de Montferrier.

Adieu, monsieur le baron ; ma femme est infiniment sensible à votre souveni r; elle partage la haute opinion que votre talent m’inspire, et j’espère que vous voudrez bien compter toujours au rang de vos meilleurs amis

Victor Hugo.
  1. Publiciste et philosophe ; en 1823, directeur des Annales de la littérature et des arts qui ont fusionné avec le Conservateur littéraire ; en 1826, directeur de la revue Le Catholique, où il publia de nombreux articles sur le romantisme et sur les œuvres de Victor Hugo.
  2. De la littérature populaire dans les diverses contrées de l’Europe. — Le Drapeau blanc, 13 et 22 novembre 1824.