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plus de détails sur ce désolant sujet. Pour le moment, je me hâte de te prier de vouloir bien nous envoyer de l’argent, tu comprendras aisément dans quelle gêne ce fatal événement m’a surpris. Abel est également pris au dépourvu et nous nous adressons à toi comme à un père que ses fils ont toujours trouvé dans leurs peines, et pour qui les malheurs de ses enfants sont les premiers malheurs.

Du moins, dans cette cruelle position, avons-nous été heureux dans le hasard qui nous a fait prendre pour médecin une de tes anciennes connaissances, le docteur Fleury.

Adieu, bon et cher papa, j’ai le cœur navré de la triste nouvelle que je t’apporte. Notre malade a passé une assez bonne nuit ; il se trouve mieux ce matin, seulement son esprit, qui est tout à fait délirant depuis avant-hier, est en ce moment très égaré ; on l’a saigné hier, on lui a donné l’émétique ce matin et je suis près de lui en garde-malade. Adieu, adieu ; la poste va partir et je n’ai que le temps de t’embrasser en te promettant de plus longues lettres d’Abel et de M. Foucher.

Ton fils tendre et respectueux,
Victor[1]


1823.


À Monsieur Trébuchet.


Paris, 8 janvier 1823.
Mon cher oncle.

Si l’affreuse catastrophe qui vient de nous frapper dans notre frère chéri ne m’avait pas déjà excusé d’avance trop cruellement dans votre cœur, je vous demanderais pardon d’avoir tant tardé à vous exprimer tout ce que je sens, tout ce que je désire d’heureux pour vous et pour tous les vôtres. Maintenant que nous sommes deux cœurs à vous aimer, il me semble que je vous aime deux fois plus, ce qui est pourtant bien difficile. Votre et notre Adolphe vient de nous lire la bonne lettre où vous lui parlez tant de nous. Mon Adèle en a été touchée autant que moi, car elle est pénétrée des mêmes sentiments que moi pour le digne frère de notre admirable mère.

Notre pauvre frère Eugène est toujours dans un état bien alarmant, sinon pour sa santé, du moins pour sa raison. La guérison sera extrêmement

  1. Bibliothèque municipale de Blois.