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À Adolphe Trébuchet,
à Nantes.
23 septembre 1822.

C’est la grossesse de Mme Foucher, mon bon Adolphe, qui a tant retardé cette réponse ; je reculais de jour en jour, afin de pouvoir te marquer son heureuse délivrance. Après avoir souffert six longues semaines, elle est enfin accouchée hier très laborieusement d’une petite fille qui a de grands yeux noirs. Cette bonne Mme Foucher a déployé un courage aussi grand que ses souffrances, et ce n’est pas peu dire. Elle va aujourd’hui très bien ainsi que l’enfant. Je ne doute pas, mon cher ami, que ces détails sur une famille que tu aimes et qui te le rend bien t’intéressent ; c’est pourquoi je m’empresse de te les mander.

J’espère avoir très incessamment une autre nouvelle à t’annoncer, et je ne doute pas que mon père et mes frères de Nantes soient heureux de mon bonheur. Il me semble qu’il s’accroîtra quand je sentirai qu’ils le partagent.

J’ai reçu, il y a deux ou trois jours, mon ami, le numéro du Journal de Nantes où ton excellent père parle des Romances espagnoles[1] Abel, qui écrira à ton papa pour le remercier, me charge de lui témoigner, en attendant, avec quelle reconnaissance il a lu cet article plein de bienveillance et de grâce. Je ne saurais te dire, pour moi, combien je suis sensible à tout ce que mon oncle chéri fait pour moi. L’article qu’il me promet sur mes Odes sera certainement le plus précieux pour mon cœur, et je sais d’avance que j’y retrouverai, avec toute son indulgence et toute sa tendresse, tout l’esprit, toute l’élégance qui distinguent son style. Cache à ton papa cette phrase de ma lettre, car on pourrait m’accuser d’influencer mon juge, quand je ne fais que dire des vérités.

Parlons de toi, cher Adolphe ; le tableau, que tu m’envoies, de tes plaisirs, m’a ravi, j’ai été un moment de toutes tes joies. Un jour viendra où je n’aurai pas besoin que tu me les racontes dans tes lettres, pour les partager.

M. de Lamennais, que ses affaires ont amené pour quelques jours à Paris, m’a fait promettre que j’irais l’an prochain en Bretagne : je l’avais déjà promis à d’autres. Il m’a beaucoup parlé des monuments de Lolcmariaker, des pierres de Carnac, etc., et les voir avec cet illustre ami ajouterait sans doute au grand attrait du voyage ; mais je voudrais bien aussi les voir avec toi.

  1. Abel Hugo : Romances historiques, traduites de l’espagnol.