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peuplées. Il n’y a aucun monument druidique ; Dreux a donné son nom aux Druides, et ils ne lui ont point laissé de vestiges. J’en suis fâché pour eux, pour la ville, et pour moi.

Les bords d’une petite rivière où je me suis baigné hier en arrivant sont très frais ; je m’y promenais tout à l’heure sous les trembles et les bouleaux, et je pensais à tous nos amis qui sont ensemble dans la grande ville et nous oublient peut-être entre eux.

Mais vous, Alfred, qui êtes seul comme moi, vous pensiez à moi, n’est-il pas vrai ? pendant que je songeais à vous dans ma tristesse et mon abandon.

Adieu, cette lettre est pour vous donner signe de vie et vous montrer que vous avez un ami qui s’exerce à rejouer avec le malheur, qui pense comme un homme et qui marche comme un cheval.

Je vous embrasse cordialement, portez-vous bien et écrivez-moi.

Votre ami dévoué,
Victor.


Monsieur Foucher,
chevalier de la Légion d’honneur, Hôtel des Conseils de guerre[1].
Monsieur,

Je vous envoie le seul ouvrage de Walter Scott que nous ayons en ce moment. Votre billet m’a fait un vif plaisir. Vous pouvez garder ces livres jusqu’à mon retour (qui sera dans 8 ou 10 jours[2]) car ils nous appartiennent. J’aurai l’honneur de vous en envoyer d’autres d’ici à mardi, jour de mon départ.

L’avenir, comme vous le dites fort bien, est très sombre ; en cas de révolution, je ne sais ce que je deviendrais. Je me reproche même de ne pas vous avoir montré la lettre que j’ai reçue il y a six mois, une menace de guillotine en vers, qui prouve sinon de l’esprit, du moins de l’animosité.

Je ne sais comment je l’ai méritée. Je vous l’envoie, parce que je ne vous ai entretenu jusqu’ici que de mon avenir en beau, il faut vous montrer également le revers de la médaille.

Dans un cas de révolution et de bouleversement, vous devez penser que je n’entraînerais personne dans mon malheur ; je serais consolé si ma con-

  1. Inédite.
  2. Victor Hugo allait partir pour Montfort-l’Amaury, chez Saint-Valry.