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de vos aimables réponses. Mais je n’ai, malheureusement pour moi, pas autant de loisirs que de bonne volonté ; ce qui, en me privant d’un plaisir que j’apprécie tant, a bien aussi son avantage, celui de vous sauver d’une importunité.

Vous avez peut-être été étonné, monsieur, que mon frère Eugène n’ait pas répondu à l’appel que vous lui aviez fait avec tant de bienveillance. Cependant, croyez que sa mauvaise santé seule a pu l’empêcher de descendre dans la lice où vous vouliez bien presque lui promettre une victoire. Il lui a été bien pénible de renoncer à la fois au plaisir de célébrer l’illustre Malesherbes et à l’honneur de concourir pour vos belles couronnes.

Pour moi, monsieur, à qui ces couronnes ont été accordées avec une indulgence qui me confond autant qu’elle m’honore, je tâche de devenir moins indigne de la distinction que l’Académie a bien voulu me décerner en m’admettant si jeune au nombre de ses maîtres. Cette faveur signalée et si peu méritée m’encourage beaucoup et m’oblige à beaucoup. Je le sens avec crainte, en vous envoyant une ode nouvelle sur l’épouvantable trahison de Quiberon[1]. Elle a été faite pour l’Académie ; aussi me suis-je toujours refusé à la laisser imprimer et ai-je même toujours empêché qu’on en insérât des strophes détachées dans les journaux. J’ai voulu qu’elle entrât entièrement inédite dans votre Recueil, si toutefois (et je serais heureux qu’il en fût ainsi) vous jugez que ce morceau puisse être lu à votre brillante séance du 3 mai, sans trop la déparer.

Permettez-moi, monsieur, à propos de la séance du 3 mai, de vous parler un peu du concours. Je prends la liberté de recommander à votre attention spéciale et éclairée une Ode sur les troubles actuels de l’Europe[2], une élégie intitulée Symétha[3], une autre élégie, le Convoi de l’Émigré[4] qui toutes me paraissent offrir du talent. Je serais heureux que ces ouvrages obtinssent des distinctions quelconques ; j’en serais plus heureux encore que leurs auteurs, à cause de l’affection que je leur porte. Il m’a semblé aussi voir beaucoup d’esprit dans un discours sur les genres classique et romantique qui porte pour épigraphe : Rien de nouveau sous le soleil, et de jolis vers dans un poëme sur l’enfance d’Henri IV.

Pardonnez-moi, monsieur, ma confiance en vous recommandant mes amis ; je sais par expérience que lorsqu’on s’adresse à votre justice, vous êtes toujours prêt à répondre avec votre indulgence. Un observateur a dit que lorsque les affections sont grandes, les lettres sont longues. J’espère donc que vous

  1. Quiberon, Odes et Ballades.
  2. De Joseph Rocher.
  3. D’Alfred de Vigny.
  4. De A. de Saint-Valry.