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qui l’a refusé. La déplorable affaire du duc de Richelieu[1] et du général Donnadieu[2] paraît être assoupie. La scène s’étant passée sans témoins, on ne sait trop encore qu’en penser.

Adieu, mon bon cousin, j’abandonne le reste de ma lettre à Abel qui veut t’écrire quelques mots ; Eugène te répondra demain. Nous sommes dans les embarras d’un déménagement, ce qui force maman à retarder la réponse qu’elle comptait faire à ton père et à me charger de tous ses remerciements. Adieu encore une fois, porte-toi bien, et présente mes respects à ton papa, et mes hommages à ta sœur. Je t’embrasse cordialement.

Ton bon cousin,
V.-M. Hugo.

P. S. — J’ai lu avec le plus grand intérêt les oraisons funèbres que tu as eu l’attention de nous envoyer. Celle de l’abbé de la Trappe renferme surtout de fort belles parties. Il est inutile, je pense, de te dire que nous t’en remercions[3].

Quoiqu’on ait parlé du départ de sa majesté le duc Decazes, je te révélerai à ce sujet un fait curieux et peu connu. Les journaux ont annoncé qu’il était parti le 10 à quatre heures de l’après-midi ; la vérité est qu’il est parti avant le jour. Cela tient à ce que Mme  la duchesse Decazes avait exigé que son mari se mît en route avant Mme  Prinstot (sœur du duc), qu’elle veut priver des honneurs de l’entrée triomphale à Londres. Mme  Prinstot est dans les larmes : c’est elle qui n’a quitté Paris qu’à quatre heures ! La discorde s’est introduite, à ce qu’il paraît, dans l’honorable famille.

Et voilà la guerre allumée. Je tiens ces détails d’un noble pair, qui les savait de bonne source ; tu peux les considérer comme authentiques.

V.-M. H[4].


À Adolphe Trébuchet.


21 septembre 1820.

Tous mes amis se plaignent de moi, mon cher Adolphe, je suis, disent-ils, un paresseux, un négligent, un ingrat... Tu sais, toi, que mes loisirs ne répondent pas à mes désirs, et que, si j’avais le temps de t’écrire chaque fois que j’en ai l’envie, tu recevrais à Nantes un journal quotidien de mes

  1. Président du Conseil.
  2. Le général Donnadieu eut avec le duc de Richelieu une vive altercation propos de l’insurrection de Grenoble que Donnadieu avait réprimée sévèrement en 1816.
  3. Ici s’intercale une lettre d’Abel Hugo à son oncle, puis Victor reprend la plume.
  4. Le Figaro, 12 mai 1886.