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Mercredi, 4 heures un quart (14 août).

Oh ! qu’il me tarde d’être enfin ton mari devant tous ! On te tourmente, on t’afflige et je n’ai pas encore le droit de te soustraire à toutes les afflictions, de te défendre de toutes les tyrannies ! Cette expression n’est pas trop forte, Adèle, elle est bien faible au contraire. Il faut avoir un courage que je ne comprends pas pour agir envers toi comme on le fait, envers toi, la plus douce et la plus adorable des créatures ! Mon Adèle, ne crois pas que j’exagère encore une fois, ce sont des vérités puisées dans le repli le plus intime de mon cœur. Malgré ta modestie et ta soumission, tu dois les reconnaître en toi-même.

Ce n’est pas que je veuille en rien diminuer ton respect et ton amour pour tes parents, chère amie ; ce respect et cet amour sont aux yeux de ton mari un de tes charmes les plus touchants ; mais je veux néanmoins que tu saches résister à d’injustes vexations, que tu ne te laisses pas sacrifier aussi paisiblement à des prédilections inexplicables pour moi.

Grand Dieu ! pourquoi ne suis-je pas déjà ton mari ? N’importe, je le suis devant toi et devant Dieu, je suis ton défenseur, ton appui. Compte sur moi, mon ange bien-aimé ; et qui élèvera la voix pour toi, si ce n’est ton Victor ? Oh oui ! compte toujours sur moi, sois sûre que ce soutien-là du moins ne te manquera jamais. Mon bonheur, mon repos, ne sont pas le but de ma vie, c’est ton repos, c’est ton bonheur que je dois assurer par tous les sacrifices, conserver par tous les dévouements. Tu es faible, mais je suis fort, et toute ma force est pour toi. Oui, je suis à toi tout entier, tout en moi t’appartient, ce qui doit mourir comme ce qui est immortel.

Adieu, mon Adèle adorée. Adieu, ma femme. Je t’embrasse bien tendrement.