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et je ne m’aperçois pas que la matinée ne doit pas s’écouler sans que j’aie travaillé pour mon Adèle. Mon seul bonheur à présent, mon Adèle bien chère et bien injuste, serait de pouvoir te parler sans cesse quand je suis près de toi, et t’écrire toujours quand j’en suis loin. Mais, hélas ! il faut toujours se priver de ce qu’on désire le plus.

Adèle, si tu doutes encore de mon amour, je ne demanderai plus au ciel qu’une chose, c’est qu’il te montre une fois mon âme à nu, telle qu’elle est dans son inexprimable tendresse pour toi, et qu’il me laisse mourir ensuite. Adèle, Adèle, nul au monde, pas même ta mère, ne t’aime d’un amour qui approche seulement à une distance immense du mien ; c’est qu’à la vérité nul ne te connaît comme moi.

Adieu, ange, hier tu m’as déclaré ton défenseur dans un moment où j’avais peine à me contenir ; dans ce moment-là, moi qui n’abhorre personne, je t’avoue que j’abhorrais cet enfant insensé, tant le sentiment que j’éprouve pour toi est violent. Ô Adèle, pardonne-moi, mais je te dis tout ce qu’il y a dans mon âme.

Ô combien je t’aime ! Embrasse-moi. Viendras-tu ce matin ?[1] Plus je te vois et plus j’ai besoin de te voir. Adieu, adieu, ma femme adorée. Réponds-moi si tu peux, je t’en supplie. Ta douce lettre d’hier m’a donné tant de bonheur !

  1. Adèle allait quelquefois, en cachette, faire une visite à Victor dans sa tour.