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lettre bien tendre et plus précieuse encore pour ton mari ? Hélas ! quand je te quitte, Adèle, le bonheur de te lire et de t’écrire est la seule consolation qui puisse arriver jusqu’à moi ! Et c’est vraiment de l’héroïsme quand je me résigne, comme cela m’arrive quelquefois, à travailler dans la soirée. Cependant c’est pour toi, et pour toi je puis m’imposer tous les sacrifices, même celui de la douceur de t’écrire. Que ne peux-tu lire dans mon âme, Adèle ! Tu ne m’affligerais jamais, comme tu l’as fait hier, par des doutes bien peu mérités. Tu m’as reproché d’avoir été à la campagne l’an dernier, et ce reproche, mon Adèle, c’était à moi à te l’adresser. Mais à Dieu ne plaise que j’ose encore te tourmenter. Tu m’as donné, chère ange, des preuves d’amour qui resteront à jamais gravées dans le cœur de ton Victor. Oh non ! ne crois pas qu’il puisse manquer un seul instant de sa vie au souvenir de tout ce qu’il te doit. Il n’a que toi au monde, Adèle, mais tu remplis toute son âme, tout ce qu’il peut éprouver de respect, d’amour, d’enthousiasme, de dévouement, c’est toi qui le lui inspires, c’est à tes pieds qu’il le dépose. Adieu, ange, daigneras-tu embrasser ton mari, ton Victor ?