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Pardonne, chère amie, mais si j’étais le maître, rien ne se ferait ainsi. Un beau jour d’été, après avoir passé des heures heureuses ensemble, avec quelques vrais amis qui auraient encore été pour nous du superflu, nous irions le soir nous promener tous deux seuls dans les champs, pleins de rêveries douces et de délicieuses émotions. Une église de village se présenterait devant nous. Ton Victor t’y entraînerait, tu ne serais prévenue de rien. L’autel serait paré de fleurs, près de l’autel se retrouveraient et tes parents et nos amis, si oubliés dans notre promenade. Un prêtre arriverait et nous serions unis en un instant comme par enchantement. Alors tu pourrais venir te reposer dans mes bras de cette promenade faite à mon côté. Tout ce que nous aurions rêvé d’union pure, intime et divine dans la soirée se réaliserait dans la nuit. Rien de profane ne se mêlerait à tant de choses sacrées. Le soir, nos amis joyeux respecteraient la paix angélique de notre félicité. Le lendemain matin, nul regard indiscret ne nous demanderait compte de nos plaisirs ; nulle parole importune ne sonderait le secret de nos âmes et de nos vies, ou plutôt de notre âme et de notre vie. Adèle, ce tableau de notre union me transporte, si tu m’aimes, il ne te sera pas indifférent.

Ô mon Adèle, qu’importe tout ce que je dis ? Au milieu des accessoires les plus insipides, le jour de notre mariage n’en sera pas moins, avec le jour où j’ai su que tu daignais m’aimer, le plus beau jour de ma vie.

Adieu, ma noble, ma douce, ma bien-aimée Adèle, ce n’est pas m’humilier que de dire que je suis pas digne de baiser la poussière de tes pieds. Je ne connais personne au monde qui en soit digne, et cependant, avec ton adorable bonté, tu me permets de t’embrasser, n’est-ce pas ? Ton mari respectueux et fidèle,

Ton mari respectueux et fdèle,
V.-M. H.