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26 octobre. — Aujourd’hui la trentième de Marie Tudor. Avant-hier quatre jeunes élégants, on appelle cela aujourd’hui gommeux, étaient à la représentation dans une première loge. Bochet était près d’eux. Il a entendu l’un de ces quatre dire aux autres avec douceur : On devrait le mener en cour d’assises, l’auteur d’une pièce comme ça.


28 octobre. — Cette nuit, après quelques heures de profond sommeil, je me suis réveillé. Il y avait au levant, dans le ciel, au-dessus des toits du carrefour Pigalle, une grande clarté plutôt d’or que de feu, plutôt rose que rouge. Aucun cri, aucun bruit. J’ai pensé que c’était l’aurore et je me suis rendormi.


29 octobre. — Ce matin, cette aurore m’est expliquée, c’était l’incendie. Cette nuit l’Opéra a brûlé.


31 octobre. — Ce matin, Georges, ayant enfreint une défense de sa mère relative à un pot de confitures, m’a dit : — Papapa, veux-tu me donner la permission d’avoir mangé les confitures ce matin ?


1er novembre. — Après le dîner est venu Edmond Adam. Il nous a apporté d’assez bonnes nouvelles de Rochefort. On le traite bien dans le navire. Ils arriveront à Nouméa dans les premiers jours de novembre.


6 novembre. — Monselet devait dîner avec nous aujourd’hui ; il s’est excusé télégraphiquement par un quatrain :


Contretemps détestable.
Théâtres et tracas.
Ce soir à votre table
On ne me verra pas.


Je lui ai répondu :


Que désormais chez nous chaque jeudi t’amène !
Et je m’adresse à Dieu lui-même, et je lui dis :
Fais-nous la semaine
Des quatre jeudis !


11 novembre. — Le docteur Voillemier est venu ce matin. Il ne croit pas que Victor puisse partir pour le Midi avant le 1er janvier. Il pense que la douleur va décroître.

Après le dîner sont venus Louis Blanc, Peyrat et Brisson. On a parlé de Bazaine. J’ai dit que la peine devait être la dégradation, Louis Blanc le pense aussi ; Peyrat et Brisson sont pour la peine de mort.