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dant le plus souvent par monosyllabes et presque sans quitter sa pipe. Ses amis concluaient de son laconisme à son innocence.

La commission décida qu’elle assisterait tout entière à la visite du double fond.

On se mit en marche. C’était le jeudi, hier, veille du jour fixé par Hubert pour son départ.

En route :

— Où allons-nous ? demanda Hubert.

— Chez Beauvais, dit Rondeau, puisque votre malle est là.

Hubert reprit :

— Nous sommes nombreux ; il faudra déclouer le double fond à coups de marteau ; cela fera émotion chez Beauvais, où il y a toujours beaucoup de proscrits ; que deux d’entre vous viennent avec moi, et portons la malle chez le menuisier. Les autres iront nous y attendre. Le menuisier a fermé le double fond, il saura mieux l’ouvrir que personne. Tout se passera toujours devant la commission, et il n’y aura pas de scandale.

On y consentit. Hubert, aidé de Hayes et de Henry, apporta la malle chez le menuisier.

Le double fond fut ouvert. Il était rempli de papiers. Il y avait en effet des écrits républicains, mes discours, les Bagnes d’Afrique de Ribeyrolles, la Couronne Impériale de Cahaigne. On y trouva les trois ou quatre passeports successifs de Hubert, le dernier délivré en France, sur sa demande. On y trouva une collection complète de documents relatifs à l’organisation intérieure de la société la Révolution, organisée à Londres par Ledru-Rollin ; tout cela mêlé à force lettres et à une foule de paperasses.

Parmi ces paperasses, on trouva deux lettres qui parurent singulières, la première, datée du 24 septembre, adressée au préfet de l’Eure et repoussant l’offre d’amnistie avec une indignation prodigue d’épithètes du reste les plus méritées du monde ; c’était cette lettre que Hubert avait montrée aux proscrits de Londres et affichée dans leurs salles de réunion. La seconde lettre, datée du 30 et séparée de la première par six jours seulement, était adressée au même préfet, et contenait, sous forme de réclamation d’argent, des offres fort claires de service au gouvernement bonapartiste.

Ces deux lettres se contredisant, il était évident que l’une des deux seulement avait dû être envoyée, et il semblait probable que ce n’était pas la première. Selon toute apparence, la seconde était la lettre réelle ; la première était « pour la montre ». On présenta à Hubert les deux lettres.

Hubert continuait de fumer sa pipe imperturbablement.

On mit de côté les deux lettres, et l’on poursuivit l’examen des papiers.

Une lettre de l’écriture de Hubert, commençant par ces mots : « Ma chère