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En novembre 1848, MM. Thiers et Molé passaient quelquefois la durée entière des séances en conférences dans le couloir de la Chambre qui est derrière mon banc.

Un fait qu’on n’a pas su, c’est que le général Cavaignac faisait partie du gouvernement provisoire proclamé le 15 mai à la tribune par les envahisseurs de l’Assemblée. Il était désigné comme ministre de la guerre. Il était en ce moment absent de Paris où il n’arriva que le 17 mai.

Je tiens le fait de M. Denis Lagarde, rédacteur des procès-verbaux de l’Assemblée, qui resta le dernier dans la salle quand les représentants l’eurent évacuée, et qui entendit le nom de Cavaignac proclamé à la tribune et en fut frappé.

En ce moment (novembre) on arme les faubourgs, on a déjà distribué plus de trois mille fusils au faubourg du Temple. On fait venir à Paris les régiments d’Afrique qu’on croit plus dévoués aux généraux Cavaignac et Lamoricière.




Il y a quelques mois je disais à Louis Blanc un jour que nous entrions ensemble à l’Assemblée : — Personne n’est plus rien. Nous sommes tous déconcertés, la droite parce que la gauche lui a ôté la royauté, la gauche parce que la droite lui a ôté la république.




30 novembre.

Ce matin les soldats libérés du service militaire ont traversé Paris par bandes se dirigeant vers les divers chemins de fer en criant : À bas Cavaignac !




Un paysan des Basses-Alpes qu’on essayait de détourner de voter pour Louis Bonaparte résistait. On lui disait les choses convenues : — Mais c’est un homme incapable, un sot, un niais, etc. — Oui, dit le paysan, j’ai bien entendu dire qu’il n’était pas bien fort ; eh bien ! il prendra un bon commis !