— Monsieur Crémieux, dit Cavaignac, vous faites bien du bruit.
— Qu’est-ce que cela vous fait ? répond Crémieux.
— Cela me fait que vous êtes au banc des ministres.
— Voulez-vous que je m’en aille ?
— Mais !…
Crémieux se lève et sort du banc, en disant :
— Général, vous m’en faites sortir et je vous y ai fait entrer.
Crémieux, en effet, avait, étant du gouvernement provisoire, fait nommer Cavaignac ministre de la guerre.
Le général Lamoricière rencontrait M. Grandin à la bibliothèque.
— Eh bien, Grandin, pour qui voteront vos ouvriers ?
— Pour Louis Bonaparte.
Lamoricière bondissait. — Ah ! les gueux ! ah ! les gredins ! ils veulent Louis Bonaparte. Eh bien, voyez-vous, je vous donnerai à tous une trempée, mille noms de noms, comme en Afrique, sacrebleu ! Je ne voulais pas de la République, moi, mais puisque j’y suis, j’en suis ! Ah ! vous voulez l’aigle à présent ! eh bien, je lui mangerai les tripes !
M. Léon Faucher, vice-président de la rue de Poitiers, croyait devoir se plaindre à deux ministres, hommes graves et raisonnables, MM. Dufaure et Vivien, des façons du général Lamoricière, et ceux-ci répondaient : — Ah ! bah ! vous savez bien que Lamoricière est un étourneau.
Il y avait en effet de l’étourneau dans Lamoricière, mais il y avait aussi de l’épervier.
Un autre jour, on voyait Cavaignac se promener à grands pas, de long en large, dans l’avant-salle au milieu des valets de la Chambre et des huissiers ébahis. C’était à propos d’un malheureux jeune homme qui était là tout tremblant et qui avait eu l’audace de lui faire remettre une pétition quelconque avec ce mot : pressée.
Le général criait avec tous les jurements qui n’ont pas d’orthographe :
— Me déranger pour ça ! niais ! imbécile ! animal ! — C’était son dépit qui éclatait en colère.
Une autre fois, c’était encore ce même Crémieux que Cavaignac accostait au pied même de la tribune, et l’on entendait ce dialogue étrange :
— Maître Crémieux, quand aurez-vous fini de me noircir ?
— Général, je ne vous comprends pas très bien.
— Je vous dévoilerai !