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Ceci clôt l’incident ; le lendemain le Moniteur se tait, et il ne résulte de la chose qu’une lettre de M. Grangier de la Marinière au Journal des Débats.




Dans la séance du 24 octobre, l’Assemblée, malgré la très vive opposition du ministre des finances Goudchaux, décida, sur la motion de M. Creton, qu’il serait fait une enquête sur la gestion financière du gouvernement provisoire du 24 février au 24 juin. Ce vote fit prendre feu à Goudchaux qui envoya immédiatement sa démission à Cavaignac.

Après la séance, j’étais resté à mon banc et j’écrivais. La salle s’était vidée, je levai la tête par hasard et je vis Goudchaux qui était demeuré à son banc et qui gesticulait en criant à haute voix au milieu d’un groupe de représentants :

— C’est fini. J’ai donné ma démission. Vous avez manqué de délicatesse envers moi, je suis libre de m’en aller, et je m’en vais. Je ne suis plus là à l’heure qu’il est. Laissez-moi tranquille. Vous avez battu ces messieurs sur mon dos (Ledru-Rollin, etc.). Je ne veux pas de ce vote-là contre moi. Il y avait un sentiment qu’on n’a pas compris. Je ne veux pas du décret Creton. Je réponds à mon origine et à mon caractère en m’en allant. J’aime bien périr dans une bataille, et comme personne n’est tué avec moi cela me va.

Marrast essayait de le calmer. Il ne tenait compte de rien. Les représentants étaient montés sur les bancs et l’entouraient avec des murmures confus. Une partie du public écoutait des tribunes. Les lustres s’éteignaient. Les journalistes se penchaient pour entendre. Les valets et les huissiers étaient béants. Une femme jeune et jolie, donnant le bras à un étranger, était entrée dans la salle, et regardait.




Novembre 1848.

À mesure que l’époque de l’élection approchait, les deux généraux qui gouvernaient perdaient contenance. Cavaignac devenait soucieux, Lamoricière[1] furieux.

L’humeur de Cavaignac perçait même à la Chambre. Un jour, Crémieux vient s’asseoir au banc des ministres. De là, il jette à l’orateur qui tenait la tribune quelques très bien ! C’était précisément un orateur de l’opposition.

  1. Le général Lamoricière était ministre de la guerre. (Note de l’éditeur.)