THÉÂTRE.
I
MADEMOISELLE MARS.
Dans sa dernière maladie, Mlle Mars avait souvent le délire. Un soir, le médecin arrive. Elle était en proie à une fièvre ardente et rêvait tout haut ; elle parlait du théâtre, de sa mère, de sa fille, de sa nièce Georgina, de tout ce qu’elle avait aimé ; elle riait, pleurait, criait, poussait de grands soupirs.
Le médecin s’approche de son lit et lui dit : — Chère dame, calmez-vous, c’est moi. — Elle ne le reconnaît pas et continue de délirer. Il reprend : — Voyons, montrez-moi votre langue, ouvrez la bouche. Mlle Mars le regarde, ouvre la bouche et dit : — Tenez, regardez. Oh ! toutes mes dents sont bien à moi !
Célimène vivait encore.
Ouverture du Théâtre-Historique. J’en suis sorti à 5 heures et demie du matin.
Mlle Mars était la seule personne vivante qui figurât dans les peintures du porche du Théâtre-Historique.
Mme d’A…, en entendant dire cela, a dit :
— Ceci range Mlle Mars parmi les morts ; elle n’a pas longtemps à vivre.
Mlle Mars est morte le 20 mars, un mois jour pour jour après l’ouverture du Théâtre-Historique.
Elle avait soixante-neuf ans ; deux ans de plus que Mlle George. Mlle Mars avait cinquante-deux ans lorsqu’elle créa doña Sol, personnage de dix-sept ans.
Elle laisse un fils, caissier chez le banquier Gontard. On n’a pas envoyé de billets de faire part à cause de l’embarras de mettre : « Mlle Mars est morte. Son fils a l’honneur de vous en faire part. »