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Mornay, le marquis de Boissy, le marquis de Gouvion Saint-Cyr, le prince de Wagram, le prince d’Eckmühl, le duc de Massa.

Il y a eu contre dix-huit voix de majorité. Le chiffre dix-huit ! le 18 juin 1815 ! Louis XVIII !

Le général Fabvier m’a dit : — Vous avez été si gentil quand vous avez dit : Parlons un peu de l’empereur ! — Un huissier, ancien chef de bataillon, pleurait au bas de la tribune.

C’était, comme a dit le général Gourgaud, l’anniversaire de la bataille de Marengo et de la bataille de Friedland. — J’ajoute que c’est dans quatre jours l’anniversaire de la bataille de Waterloo. — Avant la séance, le maréchal Soult m’a abordé et m’a dit : — Vous me faites de la peine, vous allez plaider une mauvaise cause. — J’ai répondu en souriant : — Monsieur le maréchal, je respecte tant votre gloire que je n’enregistre pas ces paroles-là. — Il a pris cela pour un compliment. Le duc Decazes n’a pas voté. Le maréchal Soult et le duc de Montebello ont levé la main contre la pétition. Le maréchal Soult, soit. Il a tant de gloire, qu’il peut y mettre un peu de honte, si cela lui plaît. Cela le regarde. Mais le duc de Montebello ! le fils de Lannes !




VIII


22 juin 1847.

Affaire Girardin à la Chambre des pairs[1]. Acquittement. On a voté par boules, les blanches pour la condamnation, les noires pour l’acquittement. Il y a eu 199 votants, 65 blanches, 134 noires. Je disais, en mettant ma boule noire dans l’urne : — En le noircissant, nous le blanchissons.

Je disais à Mme D… : — Pourquoi le ministère et Girardin ne se provoquent-ils pas à un procès en cour d’assises ? Elle m’a répondu : — Parce que Girardin ne se sent pas assez fort et que le ministère ne se sent pas assez pur.

MM. de Montalivet et Molé et les pairs du château ont voté, chose bizarre, pour Girardin contre le gouvernement. M. Guizot a appris le résultat à la Chambre des députés, et a paru furieux. Un député lui a dit : — Et les aides de camp qui ont voté contre vous !

  1. Émile de Girardin attaqua vivement Louis-Philippe à la fin de son règne et publia dans la Presse des accusations que le Gouvernement considéra comme injurieuses ; il fut traduit devant la Chambre des pairs et acquitté. (Note de l’éditeur.)