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AUX TUILERIES. — 1844.


I

LE ROI LOUIS-PHILIPPE.


28 juin 1844.

Conversation avec le roi.

Il me disait à propos de langues : — L’anglais est un squelette allemand vêtu d’habits français.

Il me contait que M. de Talleyrand lui avait dit un jour : — Vous ne ferez jamais rien de Thiers, qui serait pourtant un excellent instrument. Mais c’est un de ces hommes dont on ne peut se servir qu’à la condition de les satisfaire. Or, il ne sera jamais satisfait. Le malheur, pour lui comme pour vous, c’est qu’il ne puisse plus être cardinal.




À propos des fortifications de Paris, le roi me contait comment l’empereur Napoléon apprit la nouvelle de la prise de Paris par les alliés.

L’empereur marchait sur Paris à la tête de sa garde. Près de Juvisy, à un endroit de la forêt de Fontainebleau où il y a un obélisque (que je ne vois jamais sans un serrement de cœur, me disait le roi), un courrier qui venait au-devant de Napoléon lui apporta la nouvelle de la capitulation de Paris. Paris était pris. L’ennemi y était entré. L’empereur devint pâle. Puis il cacha son visage dans ses deux mains, et resta ainsi un quart d’heure immobile. Puis, sans dire une parole, il tourna la bride de son cheval, et reprit la route de Fontainebleau. — Le général Atthelin assistait à cette chose et l’a contée au roi.




Juillet 1844.

Il y a quelques jours, le roi disait au maréchal Soult (devant témoins) : — Maréchal, vous souvient-il du siège de Cadiz[1] ? — Pardieu, sire, je le

  1. Le maréchal Soult, à la tête des troupes françaises, assiégea la ville de Cadiz en décembre 1810, mais la ville ne put être prise et les Cortès s’y installèrent. En février 1811, le siège fut recommencé sans succès et dut être levé après six mois, en août 1812. (Note de l’éditeur.)