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tine, Baour, Tissot, Empis, Dupaty, Scribe, Flourens, Pongerville, Hugo, Feletz, Brifaut, Sainte-Aulaire, Barante, Mérimée, Lebrun, Mignet, Patin, Saint-Marc-Girardin, Pasquier, Dupin aîné, Tocqueville, Thiers, Cousin.

Bureau : Villemain, Viennet (directeur), Ancelot (chancelier).

M. Viilemain a d’abord lu les lettres des deux candidats, il n’y en a que deux : MM. de Balzac et de Noailles. La lettre de M. de Balzac rappelle ses titres et ses visites ; on murmure un peu à cette phrase : Je me retirai devant la proposition de M. Hugo par M. Nodier. La lettre de M. le duc de Noailles contient cette faute de français : Je me présente pour succéder au fauteuil qu’occupait M. de Chateaubriand. On remarque que Balzac dit M. le vicomte de Chateaubriand et que M. le duc de Noailles dit M. de Chateaubriand.

Le règlement lu, les académiciens prêtent le vieux serment qu’ils n’ont point promis leur voix. M. de Ségur, le premier interrogé, répond à M. Viennet, directeur, qui lui demande : Avez-vous engagé votre suffrage ? — Pas plus que vous. — M. Thiers jure en riant ; on dirait un serment politique.

Il est une heure moins un quart.

On procède au scrutin. Mais d’abord qu’est-ce que c’est que le scrutin ? Chaque fois qu’il doit y avoir un vote, tout académicien trouve en arrivant à sa place des petits carrés de papier coupés et préparés, et aperçoit sur le bureau ce qu’on appelle les urnes. Ce sont des urnes en effet, deux choses en fer-blanc peint couleur acajou. Il est impossible de ne pas faire remonter ces objets jusqu’à l’empire, époque où florissait le style sec. Rien de plus plat, de plus lourd, de plus écrasé, de plus anguleux, de plus ventru, de plus laid que ces boîtes du scrutin, affreux moules d’où sont sortis tous les académiciens depuis quarante ans. Quand le directeur a dit les mots sacramentels : Messieurs, on va procéder au scrutin, M. Pingard prend majestueusement une des deux urnes et passe devant les académiciens, chacun jette son bulletin dans cette hideuse casserole, et quand « le tour est fait » Pingard va vider le tout sur le bureau. Le directeur compte les bulletins et le dépouillement suit.

J’ai jeté un jour dans l’urne ce quatrain :

Je ne voterai pas du tout,
Car l’envie a rempli d’embûches
Pour le génie et pour le goût
Ces urnes d’où sortent des cruches.

M. de Noailles a eu 25 voix, Balzac 4, deux billets nuls, un blanc, l’autre portant ceci : Un homme de lettres, et plus de duc s’il est possible. M. Brifaut s’est écrié à la lecture de ce bulletin : — Il n’y a pas de duc ici. — Le bulletin,