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Borgne, disent les uns, velu, chétif et blême,
Ventru comme monsieur,
Il montre M. de Cossé, qui se cabre.
Ventru comme monsieur, Bossu comme moi-même.
Qui verrait votre fille à son côté, rirait.
Si le roi n’y mettait bon ordre, il vous ferait
Des petits-fils tortus, des petits-fils horribles,
Roux, brèche-dents, manqués, effroyables, risibles,
Ventrus comme monsieur,
Montrant encore M. de Cossé, qu’il salue et qui s’indigne.
Ventru comme monsieur, Et bossus comme moi !
Votre gendre est trop laid ! — Laissez faire le roi,
Et vous aurez un jour des petits-fils ingambes
Pour vous tirer la barbe et vous grimper aux jambes.

Les courtisans applaudissent Triboulet avec des huées et des éclats de rire.
M. de Saint-Vallier, sans regarder le bouffon.

Une insulte de plus ! — Vous, sire, écoutez-moi,
Comme vous le devez, puisque vous êtes roi !
Vous m’avez fait un jour mener pieds nus en Grève ;
Là, vous m’avez fait grâce, ainsi que dans un rêve,
Et je vous ai béni, ne sachant en effet
Ce qu’un roi cache au fond d’une grâce qu’il fait.
Or, vous aviez caché ma honte dans la mienne. —
Oui, sire, sans respect pour une race ancienne,
Pour le sang de Poitiers, noble depuis mille ans,
Tandis que, revenant de la Grève à pas lents,
Je priais dans mon cœur le dieu de la victoire
Qu’il vous donnât mes jours de vie en jours de gloire,