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d’une part, pas un texte de loi valide à citer : d’autre part, pas une raison valable à donner. Cette mesure a deux aspects également mauvais : selon la loi elle est arbitraire, selon le raisonnement elle est absurde. Que peut-il donc alléguer dans cette affaire le pouvoir, qui n’a pour lui ni la raison ni le droit ? Son caprice, sa fantaisie, sa volonté, c’est-à-dire rien.

» Vous ferez justice, messieurs, de cette volonté, de cette fantaisie, de ce caprice. Votre jugement, en me donnant gain de cause, apprendra au pays, dans cette affaire, qui est petite, comme dans celle des ordonnances de Juillet, qui était grande, qu’il n’y a en France d’autre force majeure que celle de la loi, et qu’il y a au fond de ce procès un ordre illégal que le ministre a eu tort de donner, et que le théâtre a eu tort d’exécuter.

» Votre jugement apprendra au pouvoir que ses amis eux-mêmes le blâment loyalement dans cette occasion, que le droit de tout citoyen est sacré pour tout ministre, qu’une fois les conditions d’ordre et de sûreté générale remplies, le théâtre doit être respecté comme une des voix avec lesquelles parle la pensée publique, et qu’enfin, que ce soit la presse, la tribune ou le théâtre, aucun des soupiraux par où s’échappe la liberté de l’intelligence ne peut être fermé sans péril. Je m’adresse à vous avec une foi profonde dans l’excellence de ma cause. Je ne craindrai jamais, dans de pareilles occasions, de prendre un ministère corps à corps ; et les tribunaux sont les juges naturels de ces honorables duels du bon droit contre l’arbitraire ; duels moins inégaux qu’on ne pense, car, s’il y a d’un côté tout un gouvernement, et de l’autre rien qu’un simple citoyen, ce simple citoyen est bien fort quand il peut traîner à votre barre un acte illégal, tout honteux d’être ainsi exposé au grand jour, et le souffleter publiquement devant vous, comme je le fais, avec quatre articles de la Charte.

» Je ne me dissimule pas cependant que l’heure où nous sommes ne ressemble plus à ces dernières années de la Restauration où la résistance aux empiétements du gouvernement était si applaudie, si encouragée, si populaire. Les idées d’immobilité et de pouvoir ont momentanément plus de faveur que les idées de progrès et