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ÉCOLE FRANÇAISE. — VIOTTI. 93

et c’est au cœur qu’il s’adressa toujours. Aspirant peu aux applaudissements, il ambitionna un autre genre de succès, succès bien autrement précieux pour qui met au-dessus de tout le bonheur d’acquérir un ami dans chacun de ceux qui l’êcoutent.

"Il fit un autre voyage à Paris, en 1814, à l'époque de la Restauration. Le Conservatoire n’en fut instruit qu’au moment où il allait repartir. L’administration, qui ne laissait échapper aucune occasion d’entretenir le feu sacré, fit improviser pour lui un concert, en quelques heures, cependant un assez grand nombre d’artistes et d’amateurs ayant pu être avertis à temps, la salle fut pleine, et Viotti parut dans cette assemblée de famille comme un père au milieu de ses enfants.

"Les élèves ne le connaissaient que par ses compositions qui, depuis l’origine du Conservatoire, sont le sujet des concours annuels pour le prix de violon. La vue de l’homme qui avait été leur modèle idéal, les remplit d’enthousiasme : il fut accueilli avec une explosion de sentiments et de transports qui prouve que si, comme l’a dit une femme célèbre, l’esprit est en France une dignité, le génie y sera toujours une puissance.

"Viotti, passionné pour notre belle patrie, y revint en 1818[1]. Les artistes français, voulant lui donner un nouveau témoignage de leur vénération et de leur amitié, se rendirent chez lui à son insu, pour lui faire entendre quelques morceaux dont les vers et la musique avaient été inspirés par une admiration sincère. Une trentaine de personnes seulement, outre les musiciens, furent mises dans le secret. Cette petite fête se passa au milieu des plus vives émotions. Une circonstance particulière la rendit encore plus touchante. Après la scène lyrique

  1. Baillot, Notice sur J.-B. Viotti, Paris, 1828.