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vivait chichement, et était misérablement vêtu ; il tournait sans cesse la tête de côté et d'autre, comme un homme qui a toujours peur qu'on ne le vole. Dans la Tartarie, il était considéré comme un grand Lama ; mais à Kounboum, où abondent les célébrités lamaïques, il se trouvait perdu dans la foule. Le Kitas-Lama avait avec lui un jeune chabi de onze ans : cet enfant était éveillé, malicieux, mais, au fond, d'un excellent caractère ; tous les soirs on l'entendait se disputer avec son maître, qui lui reprochait de dépenser trop de beurre, de faire le thé trop noir, et de mettre à la lampe une trop grosse mèche.

En face de l'habitation du Kitas-Lama, était le logement des deux Missionnaires français : tout à côté de leur chambre, était une petite cellule, où demeurait modestement un étudiant en seconde année à la Faculté de médecine. Ce jeune Lama de vingt-quatre ans était un gros gaillard bien membré, et dont la lourde et épaisse figure l'accusait de faire dans son étroit réduit une assez forte consommation de beurre. Nous ne pouvions jamais le voir mettre le nez à la porte de sa case, sans songer à ce rat de La Fontaine, qui, par dévotion, s'était retiré dans un fromage de Hollande. Ce jeune homme avait un bégaiement tétanique, au point de perdre souvent la respiration quand il voulait parler : cette infirmité le rendait timide, réservé, et contribuait peut-être aussi à développer en lui un caractère bon et serviable ; il redoutait extrêmement la présence du jeune chabi, qui se faisait un malin plaisir de contrefaire sa manière de parler.

La partie de la cour qui faisait face au logement du vieux Akayé, était composée d'une rangée de petites cuisines separé