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les nombreuses maisonnettes des Lamas, répandues sur les flancs de la montagne, et les formes grandioses et bizarres des temples bouddhiques, qui se dessinaient dans les airs comme de gigantesques fantômes. Ce qui nous frappait le plus, c'était ce silence majestueux et solennel qui régnait dans tous les quartiers de la lamaserie ; il n'était interrompu que par les aboiements entrecoupés de quelques chiens mal endormis, et par le son mélancolique et sourd d'une conque marine, qui marquait, par intervalles, les veilles de la nuit ; on eût cru entendre le chant lugubre de l'orfraie. Enfin, nous arrivâmes à la petite maison où logeait Sandara. Comme il était trop tard pour aller chercher une habitation qui pût nous convenir, notre pédagogue nous céda son étroite cellule, et alla chercher pour lui un gite dans une maison voisine. Les Lamas qui nous avaient accompagnés ne se retirèrent qu'après nous avoir préparé du thé au lait, et nous avoir servi un grand plat de viande de mouton, du beurre frais, et quelques petits pains d'un goût exquis. Nous soupâmes d'un excellent appétit, car nous étions fatigués, et de plus nous éprouvions au fond du cœur, un contentement dont nous ne pouvions nous rendre compte.

Pendant la nuit, nous essayâmes vainement de dormir ; le sommeil ne vint pas. Nous étions préoccupés de notre position qui devenait de plus en plus étrange. C'était à ne pas y croire. Cette contrée d' Amdo, pays inconnu en Europe, cette grande lamaserie de Kounboum, si fameuse et si renommée parmi les bouddhistes, ces mœurs de couvent, cette cellule de Lama où nous étions couchés, tout cela nous tournoyait dans la tête, comme les formes