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la Tartarie orientale, empiètent insensiblement sur le désert, bâtissent des maisons, et livrent à la culture quelques lambeaux de la Terre des herbes. Ce petit voyage ne nous offrit rien de remarquable, si ce n'est qu'en traversant une petite rivière sur la glace, la charrette versa et se disloqua complètement. En France, afin de pouvoir continuer la route, il eût fallu un charron et un forgeron pour réparer les avaries ; mais heureusement notre Phaéton était un Chinois, c'est-à-dire, un de ces hommes qui jamais ne se trouvent dans l'embarras, et qui, avec des pierres des morceaux de bois et des bouts de corde, savent toujours se tirer d'affaire. Nous eûmes seulement à regretter la perte d'un peu de temps.

A un li de distance de la lamaserie, nous rencontrâmes quatre Lamas ; c'étaient des amis de Sandara, qui venaient au-devant de nous. Leur costume religieux, l'écharpe rouge dont ils étaient enveloppés, leur bonnet jaune en forme de mitre, leur modestie, leurs paroles graves et articulées à voix basse, tout cela nous fit une singulière impression ; nous ressentions comme un parfum de la vie religieuse et cénobitique. Il était plus de neuf heures du soir, quand nous atteignîmes les premières habitations de la lamaserie. Afin de ne pas troubler le silence profond qui régnait de toutes parts, les Lamas firent arrêter un instant le voiturier, et remplirent de paille l'intérieur des clochettes qui étaient suspendues au collier des chevaux. Nous avançâmes ensuite à pas lents, et sans proférer une seule parole, dans les rues calmes et désertes de cette grande cité lamaïque. La lune s'était déjà couchée ; cependant le ciel était si pur, les étoiles étaient si brillâmes, que nous pouvions aisément distinguer