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se faire craindre et respecter. Très-unis entre eux, la communauté tout entière prend toujours parti dans les affaires qui intéressent quelqu'un de ses membres. C'est à cet esprit d'association, qu'ils doivent la liberté religieuse dont ils jouissent dans toutes les provinces. Personne n'oserait, en leur présence, trouver à redire à leurs croyances ou à leurs pratiques religieuses. Ils s'abstiennent de fumer, de boire du vin, de manger de la viande de cochon, de se mettre à table avec des païens, sans qu'on trouve cela mauvais. Il leur arrive même quelquefois de fronder les lois de l'empire, quand elles contrarient la liberté de leur culte. En 1840, pendant que nous étions dans notre mission de Tartarie, les Hoeï-Hoeï de la ville de Hada, construisirent une mosquée ou Li-Paï-Ssé, comme on dit en Chine. Quand elle fui terminée, les Mandarins du lieu voulurent la leur faire démolir, parce que, contrairement aux lois, la construction en était plus élevée que celle du tribunal. A cette nouvelle, tous les Musulmans des environs furent en émoi ; ils se réunirent, et jurèrent de soutenir tous en commun un procès contre les Mandarins, d'aller les accuser à Péking, et de ne mettre bas les armes que lorsqu'ils les auraient fait casser. Comme en Chine, dans une affaire de ce genre, c'est toujours l'argent qui a la plus grande influence, ils firent partout des souscriptions parmi leurs coreligionnaires, et finirent par avoir le dessus sur les Mandarins qui avaient voulu se mêler de leur mosquée. Ils les firent casser et envoyer en exil. Souvent nous nous sommes demandé comment il se faisait que les chrétiens de Chine vécussent dans l'oppression et à la merci des tribunaux, tandis que les Musulmans