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compter les sapèques, et en faire disparaître en même temps une certaine quantité, sans qu'il soit possible de s'en apercevoir. Un jour, deux de ces petits voleurs vinrent nous offrir à acheter une paire de bottes en cuir ; des bottes excellentes, disaient-ils, des bottes comme on n'en trouverait dans aucune boutique, à l'épreuve de la pluie, et par-dessus tout, d'un bon marché à ne pas y croire ; c'était une occasion unique dont il fallait profiter. Tout à l'heure on venait de leur en offrir douze cents sapèques ... Comme nous n'avions pas besoin de bottes, nous répondîmes que nous n'en voulions à aucun prix. Les vendeurs firent les généreux. Parce que nous étions des étrangers, on nous les laissait à mille sapèques, puis à neuf cents, puis à huit, puis enfin à sept cents. Certes, dîmes-nous, nous n'avons pas besoin de bottes, il est vrai ; cependant il faut profiter de ce bon marché ; elles seront en réserve pour le voyage. Le marché fut donc conclu. Nous prîmes une ligature, et nous comptâmes sept cents sapèques au marchand. Celui-ci recompta sous nos yeux, trouva la somme convenue, et laissa les sapèques devant nous. Il appela ensuite son compagnon qui flânait dans la cour de la maison. — Tiens, dit-il, je vends ces fameuses bottes pour sept cents sapèques. — Impossible, dit l'autre... Comment, sept cents sapèques ! Moi, je n'y consens pas. — Soit, lui répondîmes-nous, prenez vos bottes et partez. — Quand ils furent dehors, nous enfilâmes nos sapèques ; mais il nous en manquait cent-cinquante. Ce n'était pas tout ; pendant que l'un nous volait notre argent sous le nez, l'autre avait mis dans son sac deux énormes chevilles en fer que nous avions plantées dans la cour pour attacher