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Comme les Houng-Mao-Eul sont pleins de bravoure, et d'une indépendance qui approche de la férocité, ce sont eux qui donnent le ton dans la ville de Tang-Keou-Eul ; chacun cherche à singer leur allure, pour acquérir la réputation de brave et se rendre redoutable. Il résulte de là que Tang-Keou-Eul ne ressembla pas mal à un immense repaire de brigands. Ton! le monde y est échevelé et vêtu en désordre. On vocifère, on se heurte, on se bat, et souvent le sang coule. Au plus fort de l'hiver, et quoique, dans ce pays, le froid soit d'une rigueur extrême, on va les bras nus et une partie des jambes à découvert. Se vêtir convenablement serait une marque de pusillanimité. Un bon brave, comme on dit, ne doit avoir peur de rien, ni des hommes ni des éléments. A Tang-Keou-Eul, les Chinois ont beaucoup perdu de leur urbanité et des formes polies de leur langage. Ils subissent involontairement l'influence des Houng-Mao-Eul, qui conversent entre eux à peu près comme doivent faire les tigres dans les bois. Le jour où nous arrivâmes à Tang-Keou-Eul, quelques minutes avant d'entrer dans la ville, nous rencontrâmes une Longue-Chevelure, qui venait d'abreuver son cheval sur les bords de la rivière Keou-Ho. Samdadchiemba, qui se sentait toujours porté vers les hommes à tournure excentrique, s'approcha courtoisement de lui et le salua à la Tartare, en disant : — Frère, es-tu en paix ? — Le Houng-Mao-Eul se retourna brusquement. — OEuf de tortue, s'écria-t-il d'une voix de stentor, qu'est-ce que cela te fait que je sois en paix on en guerre ? De quel droit appelles-tu ton frère un homme qui ne te connaît pas ? — Sandadchiemba demeura morfondu ; cela ne l'empêcha pas pourtant de