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comble de la joie ; car ils voyaient que leur petite troupe allait inopinément se grossir de trois pèlerins, et en cas de guerre contre les Kolo, de trois combattants. Nos barbes et nos moustaches leur donnèrent une haute idée de notre valeur, et nous fûmes spontanément décorés par eux du titre de Batourou (braves). Tout cela était fort honorable et fort engageant. Cependant, avant de nous décider au départ, nous voulûmes préalablement faire quelques paisibles et mûres réflexions. La caravane qui encombrait la grande cour de la Maison de repos, ne comptait que huit hommes ; tout le reste n'était que chameaux, chevaux, tentes, bagages et instruments de cuisine ; il est vrai que ces huit hommes, à les entendre, étaient tous des foudres de guerre. Au moins étaient-ils armés jusqu'aux dents ; ils venaient étaler en notre présence leurs fusils à mèche, leurs lances, leurs flèches, et surtout une pièce d'artillerie, un petit canon de la grosseur du bras ; il était sans affût, mais bien ficelé entre les deux bosses d'un chameau ; il devait produire un effet merveilleux. Tout cet appareil guerrier était peu fait pour nous rassurer ; d'autre part, nous comptions médiocrement sur l'influence morale de nos longues barbes. Il fallait pourtant prendre une détermination ; les Tartares-Khalkhas nous pressaient vivement, et nous répondaient d'un succès complet. Parmi les personnes désintéressées en cette affaire, les unes nous disaient que l'occasion était excellente, qu'il fallait en profiter ; d'autres assuraient que c'était une imprudence, qu'une si petite troupe serait infailliblement mangée par les Kolo : qu'il valait mieux, puisque nous n'étions pas pressés, attendre la grande ambassade thihétaine.