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et assez rapidement, l'itinéraire que nous nous étions tracé ; nous pouvons même dire que cette partie de notre voyage, nous avait réussi au-delà de toute espérance. A cette heure il s'agissait donc de poursuivre notre plan, et de pénétrer jusqu'à Lha-Ssa, capitale du Thibet. Or, la chose semblait hérissée de difficultés presque insurmontables. Tang-Keou-Eul était pour nous comme des colonnes d'Hercule, avec leur désolant Nec plus ultra, Vous n'irez pas plus loin. Cependant nous avions déjà parcouru trop de chemin pour être accessibles au découragement. Nous apprîmes que presque annuellement des caravanes partaient de Tang-Keou-Eul, et finissaient par arriver jusqu'au cœur du Thibet. Il ne nous en fallait pas davantage ; ce que d'autres hommes entreprenaient et exécutaient, nous avions la prétention de l'entreprendre et de l'exécuter aussi ; cela ne nous paraissait pas au-dessus de nos forces. Il fut donc arrêté que le voyage se ferait jusqu'au bout, et qu'il ne serait pas dit que des missionnaires catholiques auraient moins de courage, pour les intérêts de la foi, que des marchands pour un peu de lucre. La possibilité du départ étant ainsi tranchée, nous n'eûmes plus à nous occuper que de l'opportunité.

Notre grande affaire fut donc de recueillir tous les renseignements possibles sur cette fameuse route du Thibet. On nous en dit des choses affreuses ; il fallait, pendant quatre mois, voyager à travers un pays absolument inhabité, et par conséquent faire, avant de partir, toutes les provisions nécessaires. Dans la saison de l'hiver, le froid était horrible, et souvent les voyageurs étaient gelés, ou ensevelis sous des avalanches de neige. Pendant l'été, il s'en