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De Lao-Ya-Pou à Si-Ning-Fou nous eûmes cinq jours de marche ; le second jour nous traversâmes Ning-Pey-Hien, ville de troisième ordre. En dehors de la porte occidentale, nous nous arrêtâmes dans une hôtellerie pour prendra notre repas du matin : plusieurs voyageurs étaient rassemblés dans une immense cuisine, et occupaient les nombreuses tables disposées le long des murs ; au centre de la salle, s'élevaient d'immenses fourneaux, où l'aubergiste, sa femme, ses enfants et quelques domestiques préparaient avec activité les mets demandés par les convives. Pendant que tout le monde était occupé, soit de la préparation, soit de la consommation des vivres, un grand cri se fit entendre. C'était l'hôtesse, qui exprimait ainsi la douleur que lui causait un grand coup de pelle que son mari venait de lui asséner sur la tête. A ce cri, tous les voyageurs lèvent la tête ; la femme se sauve en vociférant dans un coin de la cuisine ; et l'aubergiste explique à la compagnie comme quoi il a eu raison de corriger sa femme insolente, insoumise, ne prenant pas du ménage un soin convenable, et tendant à ruiner la prospérité de l'auberge. Avant qu'il eût terminé son discours, la femme ne manqua pas de riposter du coin où elle était blottie ; elle annonça à la société que son mari était un paresseux, que, pendant qu'elle s'épuisait à servir les voyageurs, lui passait son temps à fumer et à boire, que le gain d'une lune de travail s'en allait dans quelques jours en tabac et en eau-de-vie... Pendant cette mise en scène, le parterre était calme et imperturbable, et ne se permettait pas le moindre signe d'approbation ou d'improbation. La femme sortit enfin de son recoin, et vint en quelque sorte présenter un cartel à son