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et il tomba de la neige. Comme nous étions obligés de descendre la montagne à pied, nous eûmes bientôt à souffrir de la chaleur, car il nous fallait faire de grands efforts pour nous retenir sur la pente de ce chemin glissant. Un de nos chameaux fit deux fois la culbute ; mais par bonheur il fut arrêté par des rochers, qui l'empêchèrent de rouler jusqu'au bas de la montagne.

Quand nous eûmes mis derrière nous ce redoutable Ping-Keou, nous allâmes loger dans le Village du vieux Canard. — Lao-Ya-Pou. — Là nous trouvâmes un système de chauffage un peu différent de celui de Ho-Kiao-Y. Les Kang sont entretenus non pas avec du fumier de cheval, mais avec du charbon pulvérisé, réduit en pâte, et formant des gâteaux semblables à des briques ; la tourbe est aussi en usage. Nous avions toujours pensé que le tricotage était inconnu en Chine ; le Village du vieux Canard fit tomber ce préjugé, partagé du reste par les Chinois eux-mêmes. Nous remarquâmes dans toutes les rues un grand nombre, non pas de tricoteuses, mais de tricoteurs, car ce sont les hommes seuls qui s'occupent de cette industrie. Leurs ouvrages sont sans goût et sans délicatesse ; ils ne tricotent jamais que de gros fils de laine, dont ils font le plus souvent des bas informes et semblables à des sacs, et quelquefois des gants, sans séparation pour les doigts, excepté pour le pouce ; les aiguilles dont ils se servent sont en bois de bambou. C'était pour nous un spectacle bien singulier, que de voir des réunions d'hommes à moustaches, assis au soleil devant les portes de leurs maisons, filant, tricotant, et bavardant comme des commères ; on eût dit une parodie des mœurs de notre patrie.