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forces s'en étaient allées, et nous éprouvions le besoin do modifier, pendant quelques jours, notre rude façon de vivre. A ce point de vue, un pays habité par des Chinois ne pouvait manquer de nous sourire ; comparé à la Tartarie, il allait nous offrir tout le confortable imaginable.

Aussitôt que nous eûmes traversé le Hoang-Ho, nous entrâmes dans la petite ville frontière nommée Ché-Tsui-Dze, qui n'est séparée du fleuve que par une plage sablonneuse. Nous allâmes loger à l' Hôtel de la Justice et de la Miséricorde. — Jen-y-Tien. — La maison était vaste, et nouvellement bâtie. A part une solide base en tuiles grises, toute la construction consistait en boiseries. L'aubergiste nous reçut avec cette courtoisie et cet empressement qu'on ne manque jamais de déployer quand on veut donner de la vogue à un établissement de fraîche fondation ; cet homme, d'ailleurs, d'un aspect peu avenant, voulait, à force d'amabilités et de prévenances, racheter la défaveur qui était répandue sur sa figure ; ses yeux horriblement louches se tournaient toujours du côté opposé à celui qu'ils regardaient ; si l'organe de la vue fonctionnait avec difficulté, la langue, par compensation, jouissait d'une élasticité merveilleuse. L'aubergiste, en sa qualité d'ancien satellite, avait beaucoup vu, beaucoup entendu, et surtout beaucoup retenu ; il connaissait tous les pays, et avait eu des relations avec tous les hommes imaginables. Sa loquacité fut pourtant loin de nous être toujours à charge ; il nous donna des détails de tout genre, sur les endroits grands et petits que nous aurions à visiter avant notre arrivée au Koukou-Noor. Cette partie de la Tartarie lui était même assez connue, car dans la période militaire de sa vie, il