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divisa sur quatre grands bateaux plats, et en peu de temps nous fûmes sur la rive opposée. Non loin du bord, à l'entrée d'une étroite vallée, était la station de Tchon-Pa-Loung. Le Dhéba du lieu nous fournit, pour souper, d'excellent poisson frais ; et pour dormir, une chambre très-bien fermée à tous les vents, et d'épais matelas rembourrés avec des poils de daim musqué.

Le lendemain, nous côtoyâmes une maigre rivière qui va se réunir au fleuve à sable d'or. Notre cœur était plus épanoui que de coutume, car on nous avait annoncé que le jour même nous arriverions dans une contrée ravissante. Chemin faisant, nous portions donc nos regards de côté et d'autre, avec une inquiète curiosité ; de temps en temps, nous nous dressions sur nos étriers pour voir de plus haut ; mais le tableau ne se hâtait pas de devenir poétique. A notre gauche, nous avions toujours la susdite rivière, sautillant prosaïquement à travers d'énormes cailloux, et à notre droite, une grosse montagne rousse, triste, décharnée, et coupée en tous sens par de profonds ravins ; des masses de nuages blancs, poussés par un vent piquant, glissaient sur les flancs de la montagne, et allaient former devant nous un sombre horizon de brouillards.

Vers midi, la caravane s'arrêta dans une masure, pour boire une écuellée de thé, et manger une poignée de tsamba ; ensuite nous grimpâmes jusqu'au sommet de la montagne rousse, et du haut de ce grand observatoire, nous admirâmes, à notre droite, la magnifique, la ravissante plaine de Bathang (1)[1]. Nous nous trouvâmes transportés

  1. 1) Bathang signifie en thibétain : plaine des vaches.