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redouté de tous ses voisins, fut un jour enseveli sous une avalanche pendant qu'il traversait la montagne. Tous les efforts que l'on fit pour retrouver son corps demeurèrent infructueux. Un saint Lama de cette époque ayant déclaré que le chef était devenu génie de la montagne, on lui éleva un temple qui subsiste encore, et où les voyageurs ne manquent jamais d'aller brûler quelques bâtons d'odeur, avant de se mettre en route. Dans les temps d'orage, quand le vent souffle avec violence, le génie du mont Angti ne manque jamais d'apparaître : il n'est personne dans le pays qui ne l'ait aperçu plusieurs fois. On le voit toujours monté sur un cheval rouge ; il est revêtu de grands habits blancs, et se promène tranquillement sur la crête de la montagne. S'il vient à rencontrer quelque voyageur, il le prend en croupe, et disparait aussitôt au grand galop ; le cheval rouge étant tellement léger, qu'il ne laisse jamais aucune trace, même sur la neige, personne, jusqu'à ce jour, n'a pu découvrir la retraite du cavalier blanc ; car c'est ainsi qu'on le nomme dans le pays.

Pour notre compte, nous n'étions que médiocrement préoccupés de la rencontre du cheval rouge et du cavalier blanc. Ce que nous redoutions, c'était la montagne ; nous ne pouvions nous empêcher de trembler, à la vue de l'effroyable quantité de neige qui était tombée, et qui devait rendre la route extrêmement dangereuse. Nous fûmes forcés d'attendre le retour du beau temps, et d'envoyer ensuite, comme nous l'avions pratiqué dans de semblables circonstances, quelques troupeaux de bœufs à long poil, pour fouler la neige, et tracer un sentier sur la montagne.

Nous demeurâmes cinq jours à Angti. Ly-Kouo-Ngan