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séance fut terminée, et tout le monde se retira dans le plus grand calme. Deux hommes montèrent aussitôt au deuxième étage, où logeait l'état-major de la caravane ; ils annoncèrent à Ly-Kouo-Ngan que les chefs de famille de Gaya, après avoir délibéré sur l'organisation des oulah, avaient décidé qu'on fournirait gratis des animaux aux deux Lamas du ciel d'occident, et aux Thibétains de Lha-Ssa ; mais, que les Chinois seraient obligés de payer une demi-once d'argent pour un cheval, et un quart pour un bœuf à long poil ... A cette nouvelle, Ly-Kouo-Ngan ramassa toutes ses forces, et se mit à invectiver avec énergie contre ce qu'il appelait une tyrannie, une injustice. Les soldats chinois de la caravane, qui étaient présents, poussèrent les hauts cris, et firent des menaces dans l'intention d'intimider les délégués de l'assemblée nationale de Gaya ; mais ceux-ci conservèrent une attitude admirablement fière et dédaigneuse : l'un d'eux fit un pas en avant, posa avec une certaine dignité sauvage sa main droite sur l'épaule de Ly-Kouo-Ngan, et après l'avoir fixé un instant avec ses grands yeux noirs ombragés d'épais sourcils ; — Homme de la Chine, lui dit-il, écoute-moi ; crois-tu que, pour un habitant de la vallée de Gaya, il y ait une grande différence entre couper la tête d'un Chinois ou celle d'un chevreau ?.... Dis-donc à tes soldats de ne pas faire les méchants, et de ne pas proférer de grandes paroles ... Est-ce qu'on a jamais vu qu'un renard ait pu intimider le terrible yak des montagnes ? Les oulah vont arriver à l'instant ; si vous ne les prenez pas, si vous ne parlez pas aujourd'hui, demain le prix sera double. — Les Chinois, entrevoyant que la violence ne pourrait conduire qu'à de funestes résultats,