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tout distribuer aux pauvres de la contrée. Qu'avait-il besoin, d'ailleurs, des richesses et des biens de ce monde ? Sa cellule, creusée dans la roche vive, ne réclamait jamais la moindre réparation, sa robe jaune, doublée de peau de mouton, lui allait à toutes les saisons ; tous les six jours, seulement, il prenait un repas composé d'un peu de thé et de farine d'orge, que les personnes charitables du voisinage lui faisaient passer par le moyen d'une longue corde, qui descendait du haut de la grotte jusqu'au pied de la montagne.

Quelques Lamas s'étaient placés sous la conduite de cet ermite, et avaient résolu de suivre son genre de vie. Ils habitaient des cellules creusées aux environs de celle de leur maître. Le plus célèbre de ses disciples était le père du grand Proul-Tamba. Il avait été, lui aussi, guerrier illustre, et n'avait jamais cessé d'être à la tête des peuples de ces contrées. Etant parvenu à un âge avancé, et voyant son fils capable de lui succéder, il lui avait donné le titre de Grand-Chef. S'étant ensuite rasé la tête, et ayant endossé l'habit sacré des Lamas, il s'était retiré dans la solitude, laissant à des bras plus jeunes et plus vigoureux la charge de terminer la lutte qui s'était engagée entre les deux Houtouktou de la province de Kham.

Le soleil n'était pas encore couché, lorsque nous arrivâmes au poste de Wang-Tsa, éloigné de Bagoung d'une cinquantaine de lis. Wang-Tsa est un petit village alligné au pied d'une colline de terre noire, où croissent de grandes touffes de houx et de cyprès. Les maisons, bâties avec cette terre noire, donnent au village un aspect extrêmement sombre et funèbre. A Wang-Tsa, nous commençâmes