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et s'en retourna au grand galop. Les oulah ne tardèrent point à arriver, et la caravane se trouva bientôt organisée comme par enchantement.

Après une demi-heure de marche, nous arrivâmes à la demeure du Grand-Chef. C'était une maison haute, vaste, et assez semblable à un château-fort du temps de la féodalité. Un large canal, bordé de grands arbres, en faisait le tour. Un pont-levis s'abaissa devant nous ; nous mîmes pied à terre pour le traverser, et nous arrivâmes, par un immense portail, dans une cour carrée où nous attendait le seigneur Proul-Tamba. On attacha les chevaux à des poteaux plantés au milieu de la cour, et nous fûmes introduits dans une vaste salle, qui paraissait tenir lieu de temple domestique. Les énormes poutres qui soutenaient la toiture étaient entièrement dorées. Les murs étaient tapissés de nombreuses banderolles de diverses couleurs, et chargées d'inscriptions thibétaines. Enfin, au fond de la salle, on voyait trois statues colossales de Bouddha, devant lesquelles étaient placées de grandes lampes à beurre et des cassolettes pour les parfums.

Dans un angle du temple, on avait disposé une table basse avec quatre épais coussins doublés en pou-lou rouge. Proul-Tamba nous invita gracieusement à prendre place, et aussitôt que nous fûmes accroupis, parut la châtelaine en grand costume, c'est-à-dire avec sa figure horriblement barbouillée de noir, et ayant ses nombreuses tresses de cheveux ornées de paillettes, de grains de corail rouge et de petits disques en nacre. De la main droite elle tenait, par son anse, une majestueuse cruche à thé, dont le large ventre reposait sur son bras gauche. Chacun présenta son