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Proul-Tamba ; je lui ai envoyé une députation. Il y a longtemps que je le connais, et j'espère qu'il nous fera avoir des oulah. Ce Proul-Tamba était un personnage dont nous avions déjà beaucoup entendu parler ; il était à la tête du parti du jeune Tchaktchouba do Djaya, et par conséquent l'ennemi déclaré de l'influence chinoise. Il était, disait-on, aussi instruit que les Lamas les plus savants de Lha-Ssa ; personne ne l'avait jamais égalé en bravoure, jamais dans les combats il n'avait éprouvé de défaite. Aussi, parmi toutes les tribus de la province de Khara, son nom seul était une puissance, et agissait comme un talisman sur l'esprit de la multitude. Proul-Tamba était, en quelque sorte, l'Abd-el-Kader de ces rudes montagnards.

La demeure de Proul-Tamba n'était guère éloignée de Bagoung que de cinq ou six lis. La députation qu'on y avait envoyée fut bientôt de retour, et annonça que le Grand-Chef allait lui-même venir. Cette nouvelle inattendue mit tout en émoi au village thibétain et au corps de garde chinois. On se disait, avec empressement : Le Grand Chef va venir, nous allons voir le Grand-Chef !... Ly-Kouo-Ngan se hâta de mettre ses beaux habits, de chausser ses bottes en soie, et de se coiffer de son bonnet de cérémonie. Les soldats chinois firent aussi de leur mieux un peu de toilette. Pendant que les Thibétains se rendaient, en courant, au-devant de leur chef, Ly-Kouo-Ngan choisit dans ses malles un magnifique khata, ou écharpe de félicité, et alla se poster sur le seuil de la porte pour recevoir le fameux Proul-Tamba. Quant à nous, le rôle qui nous convenait le mieux en cette circonstance, c'était de nous