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paraissait peu notable. Cependant il fallait qu'ils ne fussent pas tous les deux de la même pesanteur ; car, pour établir entre eux un juste équilibre, on avait été obligé de ficeler un gros caillou aux flancs de l'une de ces caisses. Derrière le cheval chargé des boîtes à enfants, suivait à pas lents un cavalier qu'à son costume on pouvait facilement reconnaître pour un soldat chinois en retraite ; il avait en croupe un garçon d'une douzaine d'années. Enfin un énorme chien à poil roux, au regard oblique, et d'une allure pleine de mauvaise humeur, fermait la marche de cette singulière caravane, qui se joignit à nous, et profita de notre compagnie pour aller jusqu'à la province du Sse-Tchouen.

Ce Chinois était un ancien soldat de la garnison de Tsiamdo ; ayant rempli les trois années de service fixées par la loi, il avait obtenu le privilège de rester dans le Thibet pour se livrer au commerce. Il s'y était marié, et après avoir amassé une petite fortune, il s'en retournait dans sa patrie avec toute sa famille. Nous ne pûmes nous empêcher d'admirer le courage, l'énergie et le dévouement de ce brave Chinois, si différent de ses égoïstes compatriotes, qui ne se font pas le moindre scrupule d'abandonner femmes et enfants dans les pays étrangers. Il avait à braver non seulement les dangers et les fatigues d'une longue route, mais encore les railleries de ceux qui n'avaient pas le cœur d'imiter son bel exemple. Les soldats de notre escorte ne tardèrent pas, en effet, à le tourner en ridicule. — Cet homme, disaient-ils, a évidemment une cervelle moisie. Rapporter de chez les peuples étrangers de l'argent et des marchandises, voilà qui est raisonnable ; mais emmener dans la nation centrale, une femme à grands pieds, et tous